Programme du 10 AOUT au 27 SEPTEMBRE







Renoir prog






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VENDREDI 2 SEPTEMBRE
18H30

DEUX AVANT-PREMIÈRES


En partenariat avec Les Amis de la Fête


LAÏCITÉ INCH'ALLAH!
de Nadia EL FANI
GRAND PRIX INTERNATIONAL DE LA LAÏCITÉ 2011

En présence de
NADIA EL FANI

Nadia El Fani est une courageuse défenseuse de la laïcité.
Nadia El Fani est une réalisatrice franco-tunisienne. Fille d'un des fondateurs du Parti communiste tunisien, elle vit en France depuis une dizaine d’années. Elle a notamment réalisé un documentaire sur son père et un thriller, « Bewin Hacker », dans lequel un petit génie de l'informatique pirate les satellites et brouille les chaînes télévisées européennes. En 2010, avant la révolution de jasmin, elle se lance dans la réalisation d’un documentaire "Ni Allah ni maître".

Elle y dénonce « l'hypocrisie sociale » qui règne en Tunisie. Elle souligne que "Dans un Etat où il est décrété que tout le monde appartient à la même religion, il est d'autant plus compliqué de se réclamer d'une idée et d'une pensée au mieux ignorée, au pire dénigrée et combattue". Son film se veut clairement laïque et non antireligieux. Pour mieux l'affirmer, elle change son titre pour adopter "Laïcité Inch'allah".



Une projection, le 24 avril dernier à Tunis, en clôture d’un festival de documentaires, s’est déroulée sans problème. Mais depuis la situation s’est détériorée. Les insultes se multiplient sur internet. Les réseaux sociaux véhiculent aussi bien les menaces que les manifestations de soutien. Dimanche 26 juin, une centaine de manifestants violents ont investi le cinéma Africart à Tunis où le film était projeté. Nadia El Fani maintient son engagement pour une société laïque, une société de liberté pour tous. Elle souligne que son film « est un film qui appelle à la tolérance contrairement à tout ce qu'on dit", en ajoutant que « peut être que dans le secret des urnes, les Tunisiens voteront pour la laïcité ». Le distributeur du film en France, Jour2fête, annonce la sortie du film le 21 septembre.
Une interview tronquée de l'auteur de « Ni Allah, ni maître » suscite la haine des islamistes, qui multiplient les attaques.
A chaque fois qu'elle tape son nom sur Facebook, elle découvre une nouvelle page d'appel à la haine contre elle. Le compte « Pour qu'il y ait dix millions de crachats sur la tête de cette truie chauve » a totalisé près de 35 000 « j'aime ».
En 2003, dans « Bedwin Hacker », elle avait raconté que la contestation viendrait d'Internet. Puis elle a eu envie de faire un film sur l'athéisme en terre d'islam.
C'était avant la révolution. Nadia El Fani a filmé les « résistants au ramadan », ceux qui mangent pendant la journée ou boivent de l'alcool en cachette. Elle avait été autorisée à tourner en Tunisie parce qu'officiellement il s'agissait d'un film sur les fêtes du ramadan.

Interview de Nadia El FANI :








LES NEIGES DU KILIMANDJARO
de Rober GUEDIGUIAN



L'Estaque, dans le nord de Marseille, est le terrain d'élection de Robert Guédiguian. Il y est né, il y a tourné et situé nombre de ses films, dont Dernier été (1981), son premier, chronique du désœuvrement de jeunes sans emploi, Marius et Jeannette (1997), l'histoire d'une mère élevant seule ses deux enfants, et A l'attaque ! (2000), où une famille de garagistes kidnappait un patron afin de se faire justice elle-même.
La cohérence thématique de ces contes du 16e arrondissement de Marseille se vérifie avec Les Neiges du Kilimandjaro, présenté samedi 14 mai dans la section Un certain regard du Festival de Cannes. Le film est ancré dans un site géographique cher, interprété par la tribu originelle du cinéaste (Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan), et il est le reflet d'une remise en question des combats politiques et syndicaux.



Ses personnages ont vieilli. Ils avaient 25 ans dans Dernier été, 40 ans dans Marius et Jeannette, ils ont désormais atteint la cinquantaine. Ils sont à l'âge des bilans, de la retraite, et confrontés à une jeune génération qui, à tort ou à raison, les considère comme des petits-bourgeois.

Michel et Marie-Claire sont fiers de leurs combats politiques. Michel s'autodésigne lors d'un prétendu tirage au sort organisé par la CGT qui doit entériner un plan social. Il se retrouve au chômage par solidarité. Lors d'une fête d'anniversaire, le couple se voit offrir une petite cagnotte et deux billets d'avion pour un voyage en Tanzanie. La fraternité familiale et syndicale se manifeste sur une modeste terrasse par un vin rosé glacé. Il y a dans le film un plaidoyer pour le bien-vivre collectif qui passe par le bonheur de griller des sardines sur le barbecue, le devoir de boycotter un boucher qui professe l'exclusion, ou d'aider une vieille femme impotente délaissée par sa famille.


Voilà le couple agressé peu après par deux hommes masqués qui s'emparent des billets d'avion et des cartes bancaires. Le traumatisme est d'autant plus violent que l'un des "voyous" est un jeune ouvrier licencié en même temps que Michel...

Rythmé par la rengaine de Pascal Danel, Les Neiges du Kilimandjaro est un film de gauche qui assume pleinement une veine esthétique populaire, sa naïveté, une certaine bonne conscience humaniste. On peut s'en plaindre, on peut aussi se laisser entraîner avec délice dans cette chronique d'une solidarité qui n'a d'autre ambition que de "réenchanter le monde".

Robert Guédiguian n'y déploie aucun drapeau rouge mais y cite Jean Jaurès. L'idée du film lui en est venue en relisant Les Pauvres Gens ("Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close"), ce poème de Victor Hugo, dans La Légende des siècles, évoquant la mort d'une femme de pêcheur parti en mer, laissant deux enfants en bas âge. Dans Les Neiges du Kilimandjaro, passés quelques jours de révolte, un dépôt de plainte et un réflexe de violence physique, le couple dévalisé découvre que leur agresseur élevait seul ses deux petits frères, et décide d'"adopter" les gamins.


"Pour moi, dit Guédiguian, l'une des choses les plus graves dans la société actuelle est qu'il n'y a plus de conscience de classe. Il n'y a plus de "classe ouvrière", il y a des "pauvres gens". Hier, on pouvait être ensemble, avec des intérêts communs. Aujourd'hui, il y a deux peuples, l'un autochtone, salarié, syndiqué, pavillonnaire, l'autre chômeur, immigré, délinquant, banlieusard. Je veux démasquer cette imposture intellectuelle."
Il dénonce, avec sa fougue poétique, comme François Mitterrand au congrès d'Epinay, en 1971, "l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes". Déjà, dans L'argent fait le bonheur (1993), Guédiguian lâchait : "Ne soyons pas mendiants, soyons voleurs !"


Le film a été salué par une ovation, Nanni Moretti applaudissant debout dans la salle, et les spectateurs entonnant le refrain des Neiges du Kilimandjaro.

Jean-Luc Douin

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REGARDS SUR LE CAMBODGE


Mardi 20 septembre 20h30


Dans le cadre de l’ Exposition de MICHELINE DULLIN

Regards sur le Cambodge 1958 – 1964

En partenariat avec L’association Philux

En présence de

MICHELINE DULLIN

et

JAMES BURNET (journaliste)



La ville de Martigues propose du 28 mai au 16 septembre un regard sur le Cambodge de la période Sihanouk, à travers les photographies de Micheline Dullin, ainsi qu’un rappel de l’horreur des années Khmers rouges grâce aux films de Rithy Panh.



Reporter officielle du Prince Sihanouk, Micheline Dullin a voyagé à travers le Cambodge. Ses clichés témoignent d’une époque heureuse et de grands chantiers en construction. Parallèlement, il y a ce que l’on pourrait nommer les « images quotidiennes » qui rendent compte d’une rencontre avec un pays et ses habitants, à travers le regard d’une artiste touchée par la grâce d’un instant, d’un regard, d’une lumière…

Au moment où les procès des hauts dirigeants khmers rouges ont lieu à Phnom Penh et rappellent au monde entier l’horreur des années 1975-1979. Les années 1950-1960 sont, comme le souligne James Burnet journaliste et ancien collaborateur du Monde, «une des clés de compréhension du drame khmer Rouge». Cette exposition espère aider à reconstruire une mémoire cambodgienne profondément détruite et émiettée.



Rithy Panh (né en 1964) est interné à l’âge de 11 ans, dans les camps khmers de réhabilitation par le travail. Quatre ans plus tard, il parvient à s’échapper et s’installe en France. Devenu réalisateur, Il a dédié la plupart de ses films à son pays d’origine, traumatisé par un génocide d’une violence extrême. Site 2, La Terre des âmes errantes, Les Gens de la rizière et Un soir après la guerre. S21, La Machine khmère rouge frappe les consciences de tous les pays.



S21 la Machine de mort Khmère rouge

Rithy Panh

France, 2003, 1h41

Vingt-cinq ans après la chute du régime khmer rouge, Rithy Panh réunit les victimes et les tortionnaires dans les lieux mêmes de l'horreur, le camp S-21. Comme entourés par des milliers de fantômes, les gestes et la peinture se mettent ici à parler plus que les mots. Deux millions d'êtres humains, de tous âges, sont morts sous le régime du Kampuchéa. Le passé est encore vivace et, dans un présent où les bourreaux croisent leurs victimes dans la rue, il est peut-être nécessaire de chercher à comprendre l'autre. Ce qui ne veut pas dire accepter et pardonner le geste, comme certains anciens dirigeants, protégés par le déni de responsabilité, veulent le faire croire en prônant l'oubli. Et bien que Rithy Panh prend soin de rappeler la spécificité de ce passé, certaines des installations aperçus dans le musée rappellent celles de Boltanski et, dès lors, on ne peut s'empêcher de penser à d'autres temps, d'autres lieux, d'autres horreurs. Qui ont eu lieu et se dérouleront encore, malgré tout ce travail néanmoins essentiel.





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Un des films les plus sombres d’Almodóvar,
mené avec une maestria confondante.


Le docteur Ledgard travaille à une manipulation génétique qu’il prend soin de ne pas révéler au corps scientifique qui l’entoure : il a transféré une souche de cochon à une souche humaine afin de créer un être dont la peau serait un revêtement aux possibilités nouvelles. Partout dans le film, l’animalité rôde. Outre cette souche porcine greffée sur le code génétique humain, le justaucorps que porte Vera lui donne des airs d’insecte sauteur (ou de mygale, comme le suggère le titre du roman de Thierry Jonquet dont est adapté le film ?). Un personnage surgit du passé dans un costume de tigre. Dans sa geôle, Vera regarde des guépards dévorer des gazelles sur la chaîne National Geographic, à l’aune d’un film où la prédation est le moteur principal et où domine une atmosphère de grand danger dans une jungle pulsionnelle et sans loi.



La piel que habito est en cela l’un des films les plus sombres d’Almodóvar, crissant dans les amours morbides qu’il dessine, horrifique dans les codes cinématographiques qu’il emprunte. Transtextuel, le cinéma d’Almodóvar l’est depuis le début. On y assemble les citations, les références, les images avec le même appétit que lorsqu’on y déplace les cloisons sexuelles. Mais rarement le corpus textuel y aura été plus homogène : Feuillade (“Nous sommes tous des vampires”, susurre Marisa Paredes), Franju (Les Yeux sans visage, Judex), Cronenberg (les scènes de chirurgie proches de Faux-Semblants)…



La monomanie du personnage central, voulant faire accoucher une femme morte d’un homme vivant, se prolonge dans la forme obsédante du film. Almodóvar y suspend son goût des mélanges, des ruptures de ton, au profit d’une tonalité ténébreuse quasi exclusive. La mise en scène tient d’un art suprême de la découpe, chaque plan tombe avec le tranchant d’un couperet. La conduite du récit est magistrale, accomplissant dans son dernier tiers une accélération foudroyante, aussi implacable et déterminée qu’une exécution.



Profondément inquiétant, glacial, le film serait cependant moins beau s’il ne se terminait par une rémission, où un peu de lien se recompose une fois encore autour d’une petite communauté de femmes. Ce délirant parcours entre les gènes et les genres se clôt ainsi par une fragile affirmation, où un personnage se présente seulement par son prénom (mais la révélation équivaut à un coup de tonnerre). Assurément, le titre ne ment pas : cette peau est vraiment très habitée.

Jean-Marc Lalanne





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MELANCHOLIA

Lars von Triers


ÉTOILE DE MAÎTRE




Etait-il raisonnable d'attendre du nouveau film du Danois Lars von Trier, le prince des ténèbres du cinéma contemporain, qu'il rompe avec l'atmosphère dépressionnaire qui empoisse les écrans depuis l'ouverture du Festival de Cannes ? La réponse est non, bien entendu, et il faut de ce point de vue reconnaître à Melancholia l'honnêteté de l'annoncer dès son titre, avant de se conformer rigoureusement au programme que celui-ci induit. Un petit détour étymologique n'est d'ailleurs pas inutile pour déterminer les enjeux du film.


Dérivé du latin, et plus anciennement du grec, le terme "mélancolie" désignait dans l'Antiquité la "bile noire", dont l'excès causerait, selon la théorie des humeurs d'Hippocrate, un sentiment de profonde tristesse, associé néanmoins à la marque créatrice du génie. Cette croyance est étayée par la cosmologie de l'époque, qui associe l'état mélancolique à Saturne, planète à la fois funeste et convoitée. L'historien de l'art, Jean Clair, dans une mémorable exposition consacrée à la mélancolie en 2005 au Grand Palais, a non seulement montré l'extraordinaire fortune de ce thème dans l'histoire de l'art, mais aussi le lien électif qui existe entre mélancolie et création artistique.


Ce détour, qui risque de sonner pédant, n'est pas indispensable pour apprécier le très beau film de Lars von Trier. Disons simplement qu'il permet de mieux le mettre en perspective, à une époque qui a fini par confiner la mélancolie, sous l'influence de la psychiatrie et du productivisme, dans les champs exclusivement négatifs de la pathologie et de l'inutilité. Cela permet de comprendre, d'abord, que le recours du cinéaste au terme latin traduit un désir de revenir à l'ambiguïté initiale du terme. Cela permet de voir, ensuite, à quel point l'intrigue et l'iconographie du film sont déterminées par les croyances et les œuvres anciennes liées à la mélancolie.


L'action, dialoguée en anglais, n'est pas précisément située. Elle se déroule dans une superbe demeure dont l'immense jardin descend en pente douce vers la mer. La première partie du film porte le nom d'une de ses héroïnes, Justine (Kirsten Dunst), qui y célèbre son mariage. Si elle n'était placée sous le signe de la mélancolie, plutôt que de l'hystérie, cette partie pourrait évoquer le vaste psychodrame familial mis en scène par Thomas Vinterberg dans Festen (1998). Mais tout ici se passe à bas bruit. Les turpitudes ne sont que suggérées (la misanthropie de la mère de Justine, la lâcheté de son père, la vulgarité de son patron), regardées depuis le point aveugle de l'incompréhensible résistance de la jeune fille à la joie et au bonheur que la vie réclame d'elle à cet instant.

Hommage à la vie

Le deuxième chapitre porte le nom de sa sœur, Claire (Charlotte Gainsbourg), qui avait organisé avec son riche mari, John (Kiefer Sutherland), cette somptueuse cérémonie conclue sur la débandade générale, dont celle du jeune marié. En compagnie de Justine, recluse désormais dans une profonde torpeur dépressive, Claire, John et leur fils se préparent à observer un événement cosmique extraordinaire : le frôlement de la Terre par la planète Melancholia, géante bleue qui vient de contourner le Soleil et se rapproche à vive allure. Muni de son télescope et de sa foi dans les calculs rassurants des scientifiques, John attend l'événement avec sérénité. Claire est quant à elle terrorisée, tandis que sa sœur, Justine, appelle la catastrophe de ses vœux. Devant l'inéluctable, c'est pourtant elle qui rendra le plus fervent hommage à la vie, donnant à Lars von Trier l'opportunité d'une fin aussi terrassante dans sa beauté plastique que dans sa portée morale.


Ce film magnifique, de ceux dont la vision restera gravée en nous, témoigne une fois encore de la stupéfiante disposition de Lars von Trier à faire voir son univers à travers une expression plastique constamment inventive, constamment renouvelée. On pourrait ainsi définir son film comme un commentaire cinématographique de la célèbre gravure allégorique d'Albrecht Dürer (Melencolia, 1514) mis en mouvement par la partition en trois actes du Tristan et Isolde (1865), de Richard Wagner, le tout servant de réplique européenne à Avatar (2009), de James Cameron.


Mais Melancholia est autre chose encore, qui le rend particulièrement émouvant : la transfiguration artistique du rapport si particulier au monde de Lars von Trier en un sentiment qui soit enfin perceptible et partageable par le plus grand nombre. La fin du monde semblerait pour ce faire un viatique un peu facile, si les désastres écologiques, l'autodestructivité de l'homme et l'impuissance patente de sa science ne rendaient cette hypothèse de nouveau crédible.

Jacques Mandelbaum



Sur la polémique :

lire le dossier de CECILE DESBRUN: