Programme Plein Ecran
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E V E N E M E N T S
CRITIQUE DES MEDIAS
LECTURE/DEBAT/FILM
Mercredi 1 Février 19h00
Soirée en partenariat avec Le RAVI , La Librairie L’Alinea
La MJC et La Médiathèque de Martigues, La LDH et la FSU
En présence du réalisateur :
GILLES BALBASTRE
et de
Emmanuel LOI
Ecrivain et auteur de :
Sous Presse- culture kleenex & effets de Manchette aux éditions Al Dante
Les nouveaux chiens de garde
Un film de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat
France, 2011, 1h44
Depuis la parution de l’essai de Serge Halimi Les Nouveaux Chiens de garde (1997), succédant lui-même à celui de Pierre Bourdieu, Sur la télévision (1996), la critique radicale des médias est devenue un sport de combat très prisé au sein des médias alternatifs (Acrimed, Le Monde diplomatique, Le Plan B…) ou chez Pierre Carles, le premier à avoir mis en images cette défiance à l’égard des pratiques médiatiques dominantes. Le documentaire de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, adapté du livre d’Halimi, prolonge cette tradition critique en condensant ses principales lignes de front à travers un effort de synthèse des écrits de cette clique prompte à donner des claques à la profession journalistique en vue…
Il ne s'agit pas là d'être " contre la presse ", mais bien de démonter les systèmes informatifs sous ordre, policés et, parfois, policiers, qui veulent gouverner jusqu'à nos doutes, et nous font croire que nous vivons dans une société où tous participent aux débats sociétaux, alors même que nous subissons une tentative de formatage constant de nos esprits, avec des méthodes nées d'un libéralisme totalitaire qui se répand dans tout le monde occidental. Emmanuel Loi (Sous Presse. Culture kleenex & effets de Manchette)
SITE DU FILM :
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*** Rencontre
Les chants de Mandrin
Les chants de Mandrin
Mercredi 8 Fevrier
En présence de Rabah Ameur-Zaïmeche
Les chants de Mandrin
Rabah Ameur-Zaïmeche
France, 2011, 1h37
Avec : Jacques Nolot, Christian Milia-Damezin,…
Prix Jean Vigo 2011
Après l’exécution de Louis Mandrin, célèbre hors-la-loi et héros populaire du milieu du XVIIIème siècle, ses compagnons risquent l’aventure d’une nouvelle campagne de contrebande dans les provinces de France.
Qui, sinon Rabah Ameur-Zaïmeche, pour rêver d’un film aussi barré que les Chants de Mandrin, son quatrième long métrage, racontant comment, vers 1750, les amis du brigand Mandrin ont continué à semer sa pensée révoltée en publiant clandestinement des chants qui sont autant de préludes à la Révolution ? Né en Algérie en 1966, grandi aux Bosquets, Montfermeil (Seine-Saint-Denis) dès son arrivée en France à l’âge de 2 ans, blédard number one autoproclamé et doté d’une intelligence redoutable, R.A.Z. est sans doute le dernier cinéaste d’ici à croire en la France et en son histoire. Et comme celle-ci, au cinéma, sent souvent le cadavre (Tavernier en naphtaline), les Chants de Mandrin peut se voir comme un bouche-à-bouche porté à un corps mort, d’une audace et d’une originalité rares. L’immense Nolot, dans le rôle d’un noble dévoyé, est admirable de cruauté, et le reste de la distribution ne s’amuse pas à faire de la banlieue en costume. En prenant des libertés, elle réussit à revenir aux idées du temps où elles ont commencé à circuler. L’apparition, en imprimeur, du philosophe Jean-Luc Nancy, appelé Cynan, est à ce titre hallucinante, mais vaut aussi pour cachet faisant foi qu’une liberté de ton insurrectionnelle est ici à l’œuvre. PHILIPPE AZOURY.
Pour aller plus loin, voir notre dossier :
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IMAGES d'histoire
Jeudi 16 fevrier 20h30
En partenariat avec La LDH, RESF, Ensemble Citoyens, la librairie l’Alinea
En présence de
Radoine Bengriche
Historien
Ici on noie des algériens
Yasmina ADI
France, 2011, 1h30
17 octobre 1961. Il y a 50 ans, une manifestation pacifique d’Algériens était sauvagement réprimée à Paris. On ignore encore le nombre des victimes. Grâce à l’ouverture des archives, la documentariste Yasmina Adi défie, dans un film, le déni et l’oubli.
Reconstituant le récit par ces archives montées presque comme un film policier, non dénué d’humour, à rebours, sur les qualificatifs alors apposés aux Algériens, Yasmina Adi lui adjoint sa propre lecture de l’événement, amplifiée par l’interrogation de témoins de l’époque, manifestants, hommes et femmes, ou médecins, dont la parole vient ici à s’exprimer pour la première fois de façon si frontale. En dernier ressort, ces choix délibérés, bien plus forts qu’une voix off classique et qu’une musique larmoyante, permettent ainsi, encore une fois, de faire du spectateur un acteur, un actif du film. Et, non des moindres qualités, de sortir Ici on noie les Algériens du « film qui a au moins le mérite de susciter le débat ». Il le suscitera, certes, en plus d’être un excellent travail cinématographique.
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FORUM MONDIAL
DE L'EAU
Avant Premiere
Vendredi 7 mars 20h30
En partenariat avec la Ville de Martigues et le Café Citoyen de Provence
Water, le pouvoir secret de l'eau
Julia Perkul
Russie, 2012, 1h23
L’eau est l’élément le plus important de notre planète : elle recouvre plus des 3/5ème de la surface du globe terrestre. Sans eau, pas de vie…
Water, le pouvoir secret de l’eau donne la parole à des scientifiques, écrivains et philosophes. Ils y révèlent leurs découvertes étonnantes sur l’eau et ses innombrables secrets. Au fil de cette enquête passionnante sur quatre continents, vous ne regarderez plus l’eau de la même manière ! Ce documentaire extraordinaire donne la parole aux experts reconnus mondialement, qui présentent des aspects scientifiques aussi bien que spirituels. Parmi d'autres, le Dr. Masaru Emoto et le Prof. Dr. Kurt Wuthrich (Prix Nobel de chimie 2002) révèlent les découvertes étonnantes de leurs recherches sur un élément que nous connaissons tous, mais dont nous ne savons finalement pas grand-chose.
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DUCH, Le Maitre des Forges de l'Enfer
L'enfer du bagne khmer du point de vue du bourreau.
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L'enfer du bagne khmer du point de vue du bourreau.
Le vieil homme sirote son thé dans une cellule monastique de trois ou quatre mètres carrés. Il finira sa vie dans cette prison. Pourtant, cette existence étriquée ressemble à une croisière quatre-étoiles comparée à l’institution pénitentiaire qu’il dirigeait naguère.
Il s’appelle Duch, était chef de la police du régime khmer rouge, directeur du sinistrement célèbre S21, auquel Rithy Panh a déjà consacré un film-documentaire. Un bagne où, de 1975 à 1979, des milliers de Cambodgiens furent torturés et assassinés parce qu’arbitrairement accusés d’être des espions à la solde de l’impérialisme.
Il s’appelle Duch, était chef de la police du régime khmer rouge, directeur du sinistrement célèbre S21, auquel Rithy Panh a déjà consacré un film-documentaire. Un bagne où, de 1975 à 1979, des milliers de Cambodgiens furent torturés et assassinés parce qu’arbitrairement accusés d’être des espions à la solde de l’impérialisme.
Duch occupe la majeure partie du film. Interviewé de face, en plan rapproché, il raconte ces années d’enfer depuis le point de vue du bourreau : les hallucinants commandements du Parti, les atrocités, les (dé)raisons khmères qui justifiaient l’injustifiable.
Le récit de Duch, parfois éprouvant, est appuyé par divers documents : photos, registres du S21 annotés de sa main, directives de Pol Pot...
Sa parole est aussi réflexive. Il minimise son rôle avec les mêmes arguments que tous les bourreaux de tous les génocides : obéissance aux ordres, simple rouage d’une machine, ignorance des atrocités, désir de survie.
Le récit de Duch, parfois éprouvant, est appuyé par divers documents : photos, registres du S21 annotés de sa main, directives de Pol Pot...
Sa parole est aussi réflexive. Il minimise son rôle avec les mêmes arguments que tous les bourreaux de tous les génocides : obéissance aux ordres, simple rouage d’une machine, ignorance des atrocités, désir de survie.
Il pratique aussi le déni quand le réalisateur lui montre des extraits de film où des anciens gardiens du S21 affirment l’avoir vu torturer de ses propres mains. Plus étonnant, il arrive aussi que Duch prenne la mesure de ses actes, s’interroge sur les raisons qui l’ont fait basculer dans une telle folie meurtrière (il ne trouve pas les réponses). Recyclé dans la religion, Duch demande même le pardon, au fond bien conscient de ses crimes et de sa vie ratée.
Pauses théâtrales dans ce récit, Rithy Panh fait rejouer certaines scènes par d’anciens gardiens du lieu, dispositif déjà éprouvé dans S21, mélange de travail de mémoire incarné et d’exorcisme.
Nouvelle pierre à un édifice filmique d’une ampleur comparable au Shoah de Claude Lanzmann, Duch rappelle que les atrocités de l’histoire sont commises par des êtres banals. L’homme, tous les hommes, sont potentiellement capables du pire, pour peu que certaines circonstances historiques ou politiques favorisent le réveil de la bête immonde.
Mais l’homme peut aussi choisir le meilleur : victime de la folie khmère, Rithy Panh filme Duch et sa parole droit dans les yeux, avec une admirable dignité, un stoïcisme sans faille.
Par ce geste fort, il rappelle que malgré les souffrances inouïes qu’on leur a infligées, les victimes de génocides ne crient jamais vengeance, ne recherchant que la justice et la vérité.
Serge Kaganski
Par ce geste fort, il rappelle que malgré les souffrances inouïes qu’on leur a infligées, les victimes de génocides ne crient jamais vengeance, ne recherchant que la justice et la vérité.
Serge Kaganski
Dossier GNCR :
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IL ETAIT UNE FOIS EN ANATOLIE
de Nuri Bilge Ceylan
Vous êtes invités à monter à bord d'une voiture bondée, qui roule à travers un paysage désolé, par une nuit noire. Vous serez coincés entre un policier atrabilaire, un homme menotté et un jeune médecin qui se demande ce qu'il fait là.
Vous allez cheminer dans une obscurité croissante, à la recherche d'un endroit vaguement défini (une fontaine, un arbre...) où l'homme menotté a peut-être enterré sa victime. La divagation dans la nuit d'Anatolie est éprouvante, d'autant qu'elle reste longtemps infructueuse. Cette épreuve a été conçue pour vous, spectateurs d'Il était une fois en Anatolie. Si vous acceptez de vous y soumettre, si vous passez ces longs moments entre ennui et désorientation, Nuri Bilge Ceylan, cinéaste et directeur de votre conscience, vous amènera jusqu'à une aube faite de révélations et de regrets, qui laisse aussi bouleversé et inquiet que la dernière page des Frères Karamazov.
Vous allez cheminer dans une obscurité croissante, à la recherche d'un endroit vaguement défini (une fontaine, un arbre...) où l'homme menotté a peut-être enterré sa victime. La divagation dans la nuit d'Anatolie est éprouvante, d'autant qu'elle reste longtemps infructueuse. Cette épreuve a été conçue pour vous, spectateurs d'Il était une fois en Anatolie. Si vous acceptez de vous y soumettre, si vous passez ces longs moments entre ennui et désorientation, Nuri Bilge Ceylan, cinéaste et directeur de votre conscience, vous amènera jusqu'à une aube faite de révélations et de regrets, qui laisse aussi bouleversé et inquiet que la dernière page des Frères Karamazov.
Il était une fois en Anatolie (Grand Prix du dernier Festival de Cannes) commence par un bref prologue durant lequel trois hommes boivent dans un garage miteux. Autour d'eux le vent hurle, la neige n'est pas encore là mais l'été est déjà loin. A la séquence suivante, Kenan (Firat Tanis), l'un des convives, est menotté, soupçonné d'avoir tué son hôte. Le commissaire Naci (Yilmaz Erdogan) a promis au procureur Nusret (Taner Birsel) de le mener jusqu'au corps de la victime et d'obtenir des aveux en bonne et due forme. En guise de légiste, les hommes de l'ordre ont emmené avec eux le jeune docteur Cemal (Muhammet Uzuner), un garçon de la ville.
On peut décrypter ce titre - Il était une fois en Anatolie - de diverses manières. Comme une antiphrase qui signifierait qu'à part sa durée le film de Nuri Bilge Ceylan n'a strictement rien à voir avec les chorégraphies baroques de Sergio Leone. Il est plus raisonnable d'y voir avant tout une indication de lieu. On dirait que la désolation de ce plateau qui ondule sans fin est l'aboutissement d'une trop longue liaison avec le genre humain. Et de fait, les hommes d'Il était une fois en Anatolie semblent d'abord porter en eux toute la lassitude du monde.
Elle se mêle d'exaspération au fil des haltes infructueuses. Kenan, le suspect ne retrouve plus l'endroit où il a enseveli sa victime ; le commissaire le rudoie, et le procureur tance le commissaire : "Ce n'est pas comme ça qu'on entrera dans l'Union européenne." Les scénaristes (Nuri Bilge Ceylan, son épouse, Ebru Ceylan, et Ercan Kesal) n'aspirent pas à l'abstraction. Le motif général de l'intrigue, crime et châtiment, prend une forme parfaitement moderne, et Il était une fois en Anatolie charrie un flot de remarques, d'observations, voire de plaisanteries sur la vie en Turquie au XXIe siècle. Le greffier du procureur dresse son procès-verbal sur un ordinateur portable, l'infirmier de la morgue jalouse manifestement les héros de "NCIS" ou des "Experts".
Entre la permanence terrible du paysage et les travers dérisoires de la vie quotidienne, Nuri Bilge Ceylan mène ses quatre personnages vers leurs épiphanies respectives. Au bout du compte, le spectateur, en possession de toutes les informations, devra se faire lui-même sa religion sur les motivations et le destin du policier, du magistrat, du médecin et du criminel.
Pour approcher de ces vérités, Il était une fois en Anatolie joue de la durée avec une audace peu commune. Installée à l'entrée du film, il y a donc cette longue errance nocturne par laquelle il faut passer pour découvrir, par exemple, quelle blessure donne au visage du procureur cet air mélancolique un peu désuet. Au milieu de la nuit, le convoi fait halte dans un village, et cette séquence est l'occasion de quelques-uns des plus beaux plans que l'on ait vus ces derniers temps. Ce moment de beauté et d'harmonie parfaites donne tout son sens à l'ascèse de la première partie du film.
Après avoir ainsi dénoué l'angoisse teintée d'ennui (on ne peut pas ressentir grand-chose d'autre dans une voiture, la nuit) qui baigne Il était une fois en Anatolie, Nuri Bilge Ceylan déploie son film. Le personnage du docteur, qui était au début un observateur sceptique et critique de ces moeurs provinciales, devient un protagoniste à part entière. Pétri de pulsions contradictoires, c'est un proche parent des protagonistes de Nuages de mai (2001), Uzak (2004) ou Les Climats (2007), l'un de ces alter ego du réalisateur qui savent si bien se mettre en situation d'échec. Cette fois, le metteur en scène lui réserve un sort plus exaltant, le forçant à un choix qui est l'aboutissement de tous les dilemmes, de toutes les incertitudes qui travaillent l'humanité, là, au fond de l'Anatolie. Thomas Sotinel
On peut décrypter ce titre - Il était une fois en Anatolie - de diverses manières. Comme une antiphrase qui signifierait qu'à part sa durée le film de Nuri Bilge Ceylan n'a strictement rien à voir avec les chorégraphies baroques de Sergio Leone. Il est plus raisonnable d'y voir avant tout une indication de lieu. On dirait que la désolation de ce plateau qui ondule sans fin est l'aboutissement d'une trop longue liaison avec le genre humain. Et de fait, les hommes d'Il était une fois en Anatolie semblent d'abord porter en eux toute la lassitude du monde.
Elle se mêle d'exaspération au fil des haltes infructueuses. Kenan, le suspect ne retrouve plus l'endroit où il a enseveli sa victime ; le commissaire le rudoie, et le procureur tance le commissaire : "Ce n'est pas comme ça qu'on entrera dans l'Union européenne." Les scénaristes (Nuri Bilge Ceylan, son épouse, Ebru Ceylan, et Ercan Kesal) n'aspirent pas à l'abstraction. Le motif général de l'intrigue, crime et châtiment, prend une forme parfaitement moderne, et Il était une fois en Anatolie charrie un flot de remarques, d'observations, voire de plaisanteries sur la vie en Turquie au XXIe siècle. Le greffier du procureur dresse son procès-verbal sur un ordinateur portable, l'infirmier de la morgue jalouse manifestement les héros de "NCIS" ou des "Experts".
Entre la permanence terrible du paysage et les travers dérisoires de la vie quotidienne, Nuri Bilge Ceylan mène ses quatre personnages vers leurs épiphanies respectives. Au bout du compte, le spectateur, en possession de toutes les informations, devra se faire lui-même sa religion sur les motivations et le destin du policier, du magistrat, du médecin et du criminel.
Pour approcher de ces vérités, Il était une fois en Anatolie joue de la durée avec une audace peu commune. Installée à l'entrée du film, il y a donc cette longue errance nocturne par laquelle il faut passer pour découvrir, par exemple, quelle blessure donne au visage du procureur cet air mélancolique un peu désuet. Au milieu de la nuit, le convoi fait halte dans un village, et cette séquence est l'occasion de quelques-uns des plus beaux plans que l'on ait vus ces derniers temps. Ce moment de beauté et d'harmonie parfaites donne tout son sens à l'ascèse de la première partie du film.
Après avoir ainsi dénoué l'angoisse teintée d'ennui (on ne peut pas ressentir grand-chose d'autre dans une voiture, la nuit) qui baigne Il était une fois en Anatolie, Nuri Bilge Ceylan déploie son film. Le personnage du docteur, qui était au début un observateur sceptique et critique de ces moeurs provinciales, devient un protagoniste à part entière. Pétri de pulsions contradictoires, c'est un proche parent des protagonistes de Nuages de mai (2001), Uzak (2004) ou Les Climats (2007), l'un de ces alter ego du réalisateur qui savent si bien se mettre en situation d'échec. Cette fois, le metteur en scène lui réserve un sort plus exaltant, le forçant à un choix qui est l'aboutissement de tous les dilemmes, de toutes les incertitudes qui travaillent l'humanité, là, au fond de l'Anatolie. Thomas Sotinel
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Portrait d’une enfant déchue
Jerry Schatzberg
Il est, dans la vie cinéphile, des films invisibles et attendus par la seule confiance accordée aux lignes critiques d’époque rêvées tard le soir. Portrait d’une enfant déchue est de ceux-là. Première œuvre d’une maitrise incomparable, il brille, à même intensité, du talent culotté d’un photographe passé cinéaste, Jerry Schatzberg, et du jeu exceptionnel d’une actrice à la beauté glaçante, Faye Dunaway. Portrait d’une enfant déchue est une tragédie moderne et romantique : la tragédie d’un visage ravagé par les tourments, d’un destin brisé par la lassitude. Le récit fêlé d’une perte abyssale.
Il ne faudrait surtout pas voir en Portrait d’une enfant déchue un film de ou sur la mode. Plus que son sujet, il est, comme son titre original l’indique (Puzzle of a Downfall Child), un puzzle, une énigme. Le puzzle d’un récit et l’énigme d’une femme... Sa principale force tient à ce qu’il demeure impossible de le réduire à une école, un mouvement. Typique de ces œuvres écloses à la fin des années 1960, le film de Schatzberg affirme une liberté (de ton, de structure, d’humeur) rétrospectivement incroyable. Pour mieux préciser son cadre, il est apparu au moment où le cinéma américain, précisément new-yorkais, s’émancipait d’un âge d’or terminal et prenait le train en marche du jeune auteurisme européen. Et de cette liberté matérialisée à l’écran, il faudra passer outre quelques gimmicks d’époque, pour mieux faire l’expérience d’un récit au déroulé vertigineux. Car, au plus loin que l’on se souvienne, jamais un premier film ne nous avait autant marqué par ses enjeux, son discours et sa complétude formelle.
Recluse sur île déserte, une femme, la quarantaine, regard brumeux, ne semble plus savoir par où commencer. Son compagnon de toujours, Aaron, l’a rejoint sur cette terre blanche en vue d’enregistrer ses mémoires et d’en réaliser un potentiel film. Or, à voir ce visage grave et tombant, plane ici une menace (l’écriteau wellesien « No Trepassing ») et un mystère dont il sera difficile de lever le voile. Car ce passé, s’il est le résumé d’une vie, demeure en l’état si chaotique qu’il ne se déplie pas aisément. La multitude de confessions, de traumatismes saignés ici ne permettront pas de rassembler les fragments d’une existence brisée. La blessure est si profonde, le flou si permanent, que rien ne parait plus confus pour Lou Andreas Sand que cette douloureuse étape d’un retour sur soi. Ancienne mannequin, celle-ci aura ainsi fait l’expérience d’une existence marquée par la difficulté d’aimer et de faire face à ses responsabilités. Sa jeunesse, elle l’aura passée en spectre glissant sous le regard cruel d’un milieu et les avances de la gente masculine. Son éclat lui aura été dérobé par ces clichés dont les teintes allaient s’assombrir au cours d’un lent déclin. Si bien que ne persiste ici qu’un agrégat de miettes enfouies dans la mémoire d’une femme abandonnée à la blancheur insulaire de son île et de son fard mortuaire.
Suivant cette difficulté à rassembler les éclats d’une vie, la forme même du film va les matérialiser. À l’encontre d’un dispositif transparent et comme pour nous faire éprouver la maladie de son sujet, la structure en flash-back de Portrait d’une enfant déchue déjoue la lisibilité classique. Ruptures de ton, rapprochement d’échelles, déliaison son-image, le film substitue la clairvoyance d’un esprit à une confusion habitée. Son récit, véritable circuit moderne et labyrinthique, s’affiche comme un modèle de déconstruction. Si bien que la fêlure- grand motif du cinéma américain des années 1970- trouve ici un de ses plus vibrant manifeste. Plus concrètement, le spectateur assiste, troublé, à un grand télescopage d’événements, de personnages, que le cinéaste aux manettes prend plaisir à escamoter, dérégler. Et si la radicalité d’un tel dispositif surprend — voire déroute par moments —, le parti-pris n’en demeure jamais gratuit. Savoureuse est la manière dont Schatzberg, par endroits, laisse filer la parole de Lou et fait palpiter à l’écran un déchaînement d’images, de traumas, faisant retour comme d’obsédants électrochocs. Face à de telles prouesses dys-narratives, à la limite de l’abstraction, la plongée dans les synapses de Lou n’en est que plus opérante. Or, il ne faut pas se méprendre, cette démarche à l’européenne demeure loin, si l’on veut prendre un exemple, des structures austères et alambiquées d’un duo Resnais/Robbe-Grillet. Photographe de mode, Jerry Schatzberg l’est resté et n’oublie jamais de dispenser nombre de séducteurs effets : un plan pop sur une bouche écarlate, un montage de photos prises à Central Park, une incrustation de film (Shanghai Express) jaillissent à l’écran durant les passages les plus heureux de l’existence de Lou. Ce double équilibre ne venant que souligner la double logique surface / abîme présente en souterrain du film.
Au fond, le métier de mannequin exercé par Lou Andras n’exige qu’artificialité, vitrine de soi et poses simulées. Principe de simulation, d’exhibition de surface, une telle profession réduit à néant l’intime et ses affects. Or, notre cover-girl, profondément rebelle et associable, échouera à maquiller son impossible détachement. Des premières fêlures aux véritables fractures, Lou plongera dans ces ténèbres que ce milieu récuse, accuse. Si bien que son penchant suicidaire et les torrents de larmes versées resurgiront en surface sur son visage. Sous de tels assauts, les éclats premiers de Lou perdront en brillance et la rose se fanera, jusqu’à ce que sa tige cède et ses pétales s’évanouissent. Remarquable donc est la façon bergmanienne dont Schatzberg épuise son sujet par l’illustration d’une mort au travail. Portrait d’une enfant déchue est le récit cruel d’une vie figurée comme une course dont on ne peut stopper le déclin annoncé. Son déroulement venimeux épuise et éblouit dans le même mouvement. Il prouve aussi comment la mal-aimée petite forme de cinéma devient ô comment majeure quand un récit la prend en charge et lui offre ce qu’est peut-être la véritable essence du 7ème art : une fabrique du temps.
Enfin, et comme une évidence, comment passer sous silence la partition grandiose de Faye Dunaway ? Après s’être fait cribler de balles trois ans plus tôt sous les traits de Bonnie Parker, l’actrice est ici de tous les plans. Magnétique, imprévisible, elle se consume physiquement sur le beau celluloïd. La beauté de son interprétation tient sans doute à ce qu’elle semble ici rendre en hommage à toutes ces actrices, modèles, tombées un jour dans la déchéance et le déclin. Grâce à sa sensibilité à fleur de peau, elle rejoint ici l’autre grande actrice tourmentée de la décennie seventies, Gena Rowlands. Et de ce visage désormais inoubliable, nous revient une phrase : « Ne bousculez pas les femmes, elles sont pleines de larmes. » Romain Genissel
Il ne faudrait surtout pas voir en Portrait d’une enfant déchue un film de ou sur la mode. Plus que son sujet, il est, comme son titre original l’indique (Puzzle of a Downfall Child), un puzzle, une énigme. Le puzzle d’un récit et l’énigme d’une femme... Sa principale force tient à ce qu’il demeure impossible de le réduire à une école, un mouvement. Typique de ces œuvres écloses à la fin des années 1960, le film de Schatzberg affirme une liberté (de ton, de structure, d’humeur) rétrospectivement incroyable. Pour mieux préciser son cadre, il est apparu au moment où le cinéma américain, précisément new-yorkais, s’émancipait d’un âge d’or terminal et prenait le train en marche du jeune auteurisme européen. Et de cette liberté matérialisée à l’écran, il faudra passer outre quelques gimmicks d’époque, pour mieux faire l’expérience d’un récit au déroulé vertigineux. Car, au plus loin que l’on se souvienne, jamais un premier film ne nous avait autant marqué par ses enjeux, son discours et sa complétude formelle.
Recluse sur île déserte, une femme, la quarantaine, regard brumeux, ne semble plus savoir par où commencer. Son compagnon de toujours, Aaron, l’a rejoint sur cette terre blanche en vue d’enregistrer ses mémoires et d’en réaliser un potentiel film. Or, à voir ce visage grave et tombant, plane ici une menace (l’écriteau wellesien « No Trepassing ») et un mystère dont il sera difficile de lever le voile. Car ce passé, s’il est le résumé d’une vie, demeure en l’état si chaotique qu’il ne se déplie pas aisément. La multitude de confessions, de traumatismes saignés ici ne permettront pas de rassembler les fragments d’une existence brisée. La blessure est si profonde, le flou si permanent, que rien ne parait plus confus pour Lou Andreas Sand que cette douloureuse étape d’un retour sur soi. Ancienne mannequin, celle-ci aura ainsi fait l’expérience d’une existence marquée par la difficulté d’aimer et de faire face à ses responsabilités. Sa jeunesse, elle l’aura passée en spectre glissant sous le regard cruel d’un milieu et les avances de la gente masculine. Son éclat lui aura été dérobé par ces clichés dont les teintes allaient s’assombrir au cours d’un lent déclin. Si bien que ne persiste ici qu’un agrégat de miettes enfouies dans la mémoire d’une femme abandonnée à la blancheur insulaire de son île et de son fard mortuaire.
Suivant cette difficulté à rassembler les éclats d’une vie, la forme même du film va les matérialiser. À l’encontre d’un dispositif transparent et comme pour nous faire éprouver la maladie de son sujet, la structure en flash-back de Portrait d’une enfant déchue déjoue la lisibilité classique. Ruptures de ton, rapprochement d’échelles, déliaison son-image, le film substitue la clairvoyance d’un esprit à une confusion habitée. Son récit, véritable circuit moderne et labyrinthique, s’affiche comme un modèle de déconstruction. Si bien que la fêlure- grand motif du cinéma américain des années 1970- trouve ici un de ses plus vibrant manifeste. Plus concrètement, le spectateur assiste, troublé, à un grand télescopage d’événements, de personnages, que le cinéaste aux manettes prend plaisir à escamoter, dérégler. Et si la radicalité d’un tel dispositif surprend — voire déroute par moments —, le parti-pris n’en demeure jamais gratuit. Savoureuse est la manière dont Schatzberg, par endroits, laisse filer la parole de Lou et fait palpiter à l’écran un déchaînement d’images, de traumas, faisant retour comme d’obsédants électrochocs. Face à de telles prouesses dys-narratives, à la limite de l’abstraction, la plongée dans les synapses de Lou n’en est que plus opérante. Or, il ne faut pas se méprendre, cette démarche à l’européenne demeure loin, si l’on veut prendre un exemple, des structures austères et alambiquées d’un duo Resnais/Robbe-Grillet. Photographe de mode, Jerry Schatzberg l’est resté et n’oublie jamais de dispenser nombre de séducteurs effets : un plan pop sur une bouche écarlate, un montage de photos prises à Central Park, une incrustation de film (Shanghai Express) jaillissent à l’écran durant les passages les plus heureux de l’existence de Lou. Ce double équilibre ne venant que souligner la double logique surface / abîme présente en souterrain du film.
Au fond, le métier de mannequin exercé par Lou Andras n’exige qu’artificialité, vitrine de soi et poses simulées. Principe de simulation, d’exhibition de surface, une telle profession réduit à néant l’intime et ses affects. Or, notre cover-girl, profondément rebelle et associable, échouera à maquiller son impossible détachement. Des premières fêlures aux véritables fractures, Lou plongera dans ces ténèbres que ce milieu récuse, accuse. Si bien que son penchant suicidaire et les torrents de larmes versées resurgiront en surface sur son visage. Sous de tels assauts, les éclats premiers de Lou perdront en brillance et la rose se fanera, jusqu’à ce que sa tige cède et ses pétales s’évanouissent. Remarquable donc est la façon bergmanienne dont Schatzberg épuise son sujet par l’illustration d’une mort au travail. Portrait d’une enfant déchue est le récit cruel d’une vie figurée comme une course dont on ne peut stopper le déclin annoncé. Son déroulement venimeux épuise et éblouit dans le même mouvement. Il prouve aussi comment la mal-aimée petite forme de cinéma devient ô comment majeure quand un récit la prend en charge et lui offre ce qu’est peut-être la véritable essence du 7ème art : une fabrique du temps.
Enfin, et comme une évidence, comment passer sous silence la partition grandiose de Faye Dunaway ? Après s’être fait cribler de balles trois ans plus tôt sous les traits de Bonnie Parker, l’actrice est ici de tous les plans. Magnétique, imprévisible, elle se consume physiquement sur le beau celluloïd. La beauté de son interprétation tient sans doute à ce qu’elle semble ici rendre en hommage à toutes ces actrices, modèles, tombées un jour dans la déchéance et le déclin. Grâce à sa sensibilité à fleur de peau, elle rejoint ici l’autre grande actrice tourmentée de la décennie seventies, Gena Rowlands. Et de ce visage désormais inoubliable, nous revient une phrase : « Ne bousculez pas les femmes, elles sont pleines de larmes. » Romain Genissel
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MILLENIUM
Avant même de l’avoir vu, Millenium a déjà quelque chose d’intéressant : le nom de David Fincher ne figure pas sur l’affiche. Dans un de ses articles, Luc Moullet regrettait que l’estampille de l’auteur ait aujourd’hui majoritairement, même dans le grand public, empiété sur d’autres critères. « Jadis, avant d’être un film de X ou Y, Monsieur Lange passait pour un policier de Jules Berry, La Petite Lise et La Vénus aveugle pour des mélos de série, Les dames du Bois de Boulogne pour un drame mondain de Paul Bernard. La ronde pour un film salace », tandis qu’on va aujourd’hui voir « le dernier Eastwood ». Millenium rassemble pour sa part les spectateurs pour des motifs différents : il y a les fans de Fincher, il y a ceux qui ont lu le roman, ceux qui vont voir un film avec Daniel Craig et ceux qui attendent un polar américain poisseux.
Pourtant, ce ne sont pas ces aspects (film d’auteur, film d’acteur, film de genre) qui frappent au premier abord mais, avant tout, le rythme. La séquence d’ouverture, entre clip arty et pub pour parfum, donne déjà, non pas le ton, mais le temps du film : à toute vitesse défilent sous une lumière mate d’étranges images parmi lesquelles l’œil – dont la faculté de persistance rétinienne est mise à dure épreuve – croit distinguer de l’eau qui coule sur un clavier d’ordinateur, puis sur des visages, des corps se décomposant et se recomposant, du feu...
Pourtant, ce ne sont pas ces aspects (film d’auteur, film d’acteur, film de genre) qui frappent au premier abord mais, avant tout, le rythme. La séquence d’ouverture, entre clip arty et pub pour parfum, donne déjà, non pas le ton, mais le temps du film : à toute vitesse défilent sous une lumière mate d’étranges images parmi lesquelles l’œil – dont la faculté de persistance rétinienne est mise à dure épreuve – croit distinguer de l’eau qui coule sur un clavier d’ordinateur, puis sur des visages, des corps se décomposant et se recomposant, du feu...
Juste après ce générique, un homme visiblement pressé tente de fuir une meute de journalistes visiblement pressants : à leurs questions déjà trop longues, il ne répond pas, ou alors très vite, et avec exaspération. Il n’a pas que ça à faire. Il doit encore se faire engager par un vieux milliardaire pour élucider un meurtre, fouiller un passé trouble, rencontrer la jeune Lisbeth, coucher avec elle (mais vite), manquer de se faire ouvrir le ventre par un maniaque, être sauvé par la jeune femme, gagner le second round de la bataille légale qui l’oppose à l’homme d’affaire Wernerström et décevoir Lisbeth en fréquentant à nouveau sa co-rédactrice. Lisbeth Salander, dont on suit en parallèle le parcours avant et pendant sa rencontre avec Mikael, a aussi fort à faire. Même avec sa puissante moto, il lui faut se presser. Le film dure 2h38, mais le programme est chargé.
Dans la première moitié du film, rares sont les plans qui semblent excéder les deux secondes. S’il s’agissait de scènes d’action, il n’y aurait là rien d’étrange, mais ce rythme échevelé s’applique à tous les types de scènes. Après le procès pour diffamation perdu par leur journal, le tête à tête mélancolique entre Mikael et sa co-rédactrice en chef, qui s’interrogent sur la suite à donner à l’affaire, est ainsi monté comme une course poursuite. À chaque réplique en champ contre-champ est accordé tout juste le temps qu’il faut pour la prononcer, pas une seconde de plus.
Grâce au montage, presque tous les personnage se répondent du tac au tac. A ce titre, la figure de Lisbeth emblématise une manière de construire les dialogue qui traverse tout le film. Lors de la séquence qui la présente au spectateur, la jeune femme fait ainsi alterner silences butés, mais qui valent comme répliques muettes, auxquelles on accorde donc leur seconde de contre-champ, et réponses prononcées très vite d’une voix sèche.
Dans la première moitié du film, rares sont les plans qui semblent excéder les deux secondes. S’il s’agissait de scènes d’action, il n’y aurait là rien d’étrange, mais ce rythme échevelé s’applique à tous les types de scènes. Après le procès pour diffamation perdu par leur journal, le tête à tête mélancolique entre Mikael et sa co-rédactrice en chef, qui s’interrogent sur la suite à donner à l’affaire, est ainsi monté comme une course poursuite. À chaque réplique en champ contre-champ est accordé tout juste le temps qu’il faut pour la prononcer, pas une seconde de plus.
Grâce au montage, presque tous les personnage se répondent du tac au tac. A ce titre, la figure de Lisbeth emblématise une manière de construire les dialogue qui traverse tout le film. Lors de la séquence qui la présente au spectateur, la jeune femme fait ainsi alterner silences butés, mais qui valent comme répliques muettes, auxquelles on accorde donc leur seconde de contre-champ, et réponses prononcées très vite d’une voix sèche.
C’est ce qui fait le charme paradoxal de ce film, dont l’intérêt réside moins dans l’intrigue tirée du livre (une vieille sauce mystico-sadique que Fincher avait déjà filmé dans Seven, relevée ici par l’inévitable pédophilie tapie derrière la cordialité tranquille des grand-bourgeois) que dans sa constance à mettre ses personnages en demeure de ne pas perdre une seconde. D’abord lors des nombreuses scènes où le temps constitue un enjeu en lui-même : quand Lisbeth doit récupérer le sac qu’elle vient de se faire piquer, et se réfugier dans le métro avant que celui-ci ne parte, quand elle doit aller sauver Mikael avant que celui-ci ne se fasse charcuter par le sadique Martin - dans un bon vieux montage parallèle toujours efficace-, ou encore dans la scène où elle doit rattraper Martin avant que celui-ci ne parvienne à s’enfuir.
Mais le temps semble aussi compté en dehors des moments d’action. Lors des scènes de sexe par exemple. Une chose est frappante, c’est qu’on n’y prend pas le temps de séduire, de laisser monter un désir mutuel, et de montrer ce développement. Dans Millenium, on soumet l’autre à son désir immédiatement, tel le référent de Lisbeth à l’assistance sociale, qui la viole dès leur deuxième entretien, ou on se donne à lui sans atermoiements. En boîte, Lisbeth et l’autre fille n’ont besoin que d’un regard pour comprendre leur désir. Avant même la naissance d’un début de flirt entre eux deux, Lisbeth s’offre froidement à un Mikael décontenancé.
Mais le temps semble aussi compté en dehors des moments d’action. Lors des scènes de sexe par exemple. Une chose est frappante, c’est qu’on n’y prend pas le temps de séduire, de laisser monter un désir mutuel, et de montrer ce développement. Dans Millenium, on soumet l’autre à son désir immédiatement, tel le référent de Lisbeth à l’assistance sociale, qui la viole dès leur deuxième entretien, ou on se donne à lui sans atermoiements. En boîte, Lisbeth et l’autre fille n’ont besoin que d’un regard pour comprendre leur désir. Avant même la naissance d’un début de flirt entre eux deux, Lisbeth s’offre froidement à un Mikael décontenancé.
De l’injonction qu’il s’est lui-même fixé -montrer le plus possible en un minimum de temps- le film tire des ressources inédites, et invente un montage particulièrement rentable. Ainsi la technique, inaugurée par Dede Allen pour Bonnie and Clyde, qui consiste à faire démarrer le son d’un plan à la fin du plan précédent est systématisée, et même élargie puisque, à plusieurs reprises, suivant une esthétique « bande-annonce », Fincher monte quelque scénettes avec le son d’un dialogue dont on ne voit les personnages qu’après-coup. Ce n’est pas nouveau, mais c’est ici tellement régulier que le film en devient étrange, comme s’il cherchait lui-même à se survoler.
C’est d’ailleurs une scène d’avion qui illustre au mieux cette technique de la rentabilité maximum. Vers la fin du film, après avoir découvert qui était le tueur en série mystique et celui-ci mort brûlé vif dans l’explosion de sa voiture, Mikael et Lisbeth n’ont toujours pas trouvé ce qu’il est advenu de Harriet. Une photo de sa cousine Anita est fixée au mur de la cabane, QG de l’enquête. Quand tout à coup, un indice les interpelle tous deux : et si Anita, que Mikael a rencontré à Londres où elle vit, sans profit pour son investigation, était en contact avec Harriet ? Un travelling avant vient alors recadrer la photographie tandis que retentit le son d’un avion qui décolle. Dans le plan suivant on retrouve Mikael et Lisbeth dans l’avion à destination de Londres. Le son de l’appareil vaut alors ici à la fois comme signe d’une intention (Anita est sûrement, d’une manière ou d’une autre, dépositaire du secret d’Harriet, il faut aller à Londres) et comme ellipse (Mikael et Lisbeth ont embarqué pour Londres) L’extrême économie du montage donne ainsi naissance à des configurations particulièrement inventives.
C’est d’ailleurs une scène d’avion qui illustre au mieux cette technique de la rentabilité maximum. Vers la fin du film, après avoir découvert qui était le tueur en série mystique et celui-ci mort brûlé vif dans l’explosion de sa voiture, Mikael et Lisbeth n’ont toujours pas trouvé ce qu’il est advenu de Harriet. Une photo de sa cousine Anita est fixée au mur de la cabane, QG de l’enquête. Quand tout à coup, un indice les interpelle tous deux : et si Anita, que Mikael a rencontré à Londres où elle vit, sans profit pour son investigation, était en contact avec Harriet ? Un travelling avant vient alors recadrer la photographie tandis que retentit le son d’un avion qui décolle. Dans le plan suivant on retrouve Mikael et Lisbeth dans l’avion à destination de Londres. Le son de l’appareil vaut alors ici à la fois comme signe d’une intention (Anita est sûrement, d’une manière ou d’une autre, dépositaire du secret d’Harriet, il faut aller à Londres) et comme ellipse (Mikael et Lisbeth ont embarqué pour Londres) L’extrême économie du montage donne ainsi naissance à des configurations particulièrement inventives.
On pourrait dire que Millenium réussit le tour de force de maintenir l’esthétique de la bande-annonce pendant deux heure trente huit, sans sembler vraiment croire à son intrigue ni vouloir vraiment la faire croire à son public mais en lui proposant à la place un film où le plaisir du spectateur consiste justement à demeurer à la traîne, tenter de rattraper péniblement son temps de retard, à décrocher enfin et à se laisser porter, vaincu et docile, par le flux des images. Pierre Commault pour INDEPENDENCIA
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THE ARTIST
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