Programme du 15 Avril au 19 Mai 2009








Programme PDF




Horaires:




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Séance Spéciale
Mercredi 15 Avril à 20h30
En présence de Sophie Quiedeville
productrice du film




Fabienne Godet
France, 2009, 1h47



Braqueur récidiviste, Michel Vaujour a passé vingt-sept ans en prison dont dix-sept à l'isolement. Il s'est fait la belle à cinq reprises, la légende ayant retenu son évasion de la Santé en 1986, par hélicoptère, avec l'aide de sa compagne Nadine. Quatre mois plus tard, il est repris lors d'un braquage qui dégénère en fusillade, au cours de laquelle il prend une balle dans la tête. Hémiplégique, il se rééduque seul et bénéficie, en 2003, d'une modification de la loi sur les conditions d'obtention d'une libération conditionnelle. Il se voit accorder une remise de peine de seize ans.

Le film que lui consacre Fabienne Godet prend le contre-pied de ce que cette fiche biographique, quasi policière, pourrait laisser attendre. Il tourne le dos aux options romanesques ou journalistiques, ne retrace ni sa trajectoire sociale ni son combat judiciaire, nous épargne le style télé-réalité qui recréerait le désarroi d'un homme enfermé dans un cube de béton.
Godet avait à sa disposition les ingrédients nécessaires au portrait d'un Pied Nickelé des temps modernes, roi de la cavale. Un dur, une histoire d'amitié fraternelle avec un compagnon de cellule, des femmes fidèles, des histoires d'amour (après Nadine, c'est Jamila qui tente de le faire évader et passe sept ans en prison), des ruses rocambolesques (le détenu prélève l'empreinte d'une clé dans la croûte d'un Babybel, se fabrique un revolver avec du savon et un coupe-ongles).

Elle a choisi son atout principal : Michel Vaujour, l'homme. Ne me libérez pas, je m'en charge est un portrait intime, braqué sur un visage, à l'écoute d'une parole, complice d'un ascétisme, d'une philosophie. C'est le récit d'un homme qui verbalise sa métamorphose. Le face-à-face d'un éternel évadé avec ce qu'il croyait être sa réconciliation avec lui-même. Vaujour a compris que sa prison était existentielle, que sa révolte l'avait enfermé, qu'il lui aurait fallu trouver d'autres façons de se libérer des valeurs de son milieu. Il était son propre geôlier.

Vaujour raconte comment il a puisé des forces en lui, comment il a perdu " la capacité de la joie", comment il provoquait des situations limites parce que la seule chose qui le faisait vibrer, "c'était la mort", comment il s'est réinventé "par le voyage intérieur". Il parle de "la beauté de ce qui nous est offert". Des yeux bleus, une émotion qui affleure, une puissance spirituelle qui impressionne l'écran.
Jean-Luc Douin


DOSSIER de PRESSE








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Ciné - Bistrot - Philo

En partenariat avec
La MJC Martigues La Médiathèque Louis Aragon la Librairie l’ALINEA


Jeudi 16 Avril
18h30
Résister est-ce exister?


Eloge de la Réxistence
de Vladimir Biaggi



Dans des circonstances imposées par l’histoire, des hommes, par millions, ont vécu et vivent encore l’oppression, la tyrannie, la misère et l’humiliation. Celui qui vit ou survit dans de telles situations trouve bien souvent des raisons de se résigner, de se soumettre, d’accepter l’inacceptable en attendant la fin (de ses misères ou de sa vie). D’autres voies existent et une question centrale se pose alors : comment demeurer humain dans un univers radicalement déshumanisé ? Cette question est posée par V. Biaggi dans son ouvrage « LE MATRICULE 48 954 » ; son sous-titre, « Eloge de la Réxistence », propose une réponse qu’il convient d’examiner : exister, n’est ce pas d’abord résister ? La réflexion sur le sens et la valeur de la notion de résistance sera conduite en présence de l’auteur.

Lecture par Gabriel Cinque
du livre de Chil Rajchman
Je suis le dernier Juif : Tréblinka 1942-1943




Débat
animé par
Pascal Jourdana, en présence de Vladimir Biaggi




21h00



Requiem pour un Massacre
Titre Original : “Va et regarde”
Elem Klimov
URSS, 1985, 2h20
Avec Alexei Kratchenko, Olga Mironava…

C’est un film dont on ne sort pas indemne, comme si l’on revenait de guerre soi-même, avec les éclairs des balles traçantes dans les yeux, les cris gutturaux, le feu dévorant insatiablement. C’est l’enchaînement de la violence, de la folie, de l’inéluctable : la mort dirige le film d’Elem Klimov (son objectif ressemble à une faux) jusqu’à la vengeance finale, déchaînement immédiat et remâché face à l’insupportable et à la logique noire de l’extermination.L’enfant de treize ans, incarné ou décharné par Alexei Kravtchenko, est le témoin devenu adulte de la cruauté la plus grande des Nazis contre les partisans russes. Les mouvements de caméra posent ou imposent son regard effrayé, effrayant, sur le tourbillon, l’ouragan de fer qui tue, anéantit et déracine tout sur son passage. L’herbe ne repousse plus, ni les arbres, les planches des églises brûlées ne pourront même pas servir de cercueils aux vivants-morts.

Si je me souviens bien, ça c’est passé ainsi. J’étais jeune et voulais rejoindre les camarades, lutter contre l’Allemagne Nazie. Elle terrorisait mon pays, affamait ma famille. J’étais jeune, je voulais savoir, et je suis parti. J’ai quitté ma mère et les jumelles. Ma mère pleurait parce qu’elle sait certains voyage dont on ne revient pas...

Un jour il a fallu partir, et ils sont partis sans moi, “trop jeune” qu’ils disaient. Je suis resté là, dans l’épaisse forêt, à pleurer, fusil contre cœur. Il y avait cette fille qui pleurait, elle avait vu son amant en tête du bataillon. Elle pleurait. Je pleurais. Et puis nous avons ri. Bientôt les bombes sont tombées et les Allemands ont marché sur le camp. Nous, on était cachés comme des morts, à même la boue. Moi, j’avais une sirène dans la tête, et il a fallu s’enfuir. J’ai marché tout droit jusqu’à la maison. Fusil contre main. Maman et les jumelles n’étaient plus là. Au bout du marécage se tenaient les voisins, frêles et affamés. Il a fallu manger. Il a fallu aller, aller voir. Et ça j’ai vu, j’ai bien vu ce qu’il y avait à voir, et peut être même que Dieu m’a laissé vie pour un jour témoigner... »

A 9 ans, Elim Klimov a vu Stalingrad, sa ville natale, écrasée sous les bombes. Devenu cinéaste, il s’était fixé le devoir de réaliser un film sur cette époque pour finalement adapter une nouvelle de l’écrivain Ales Adamovitch, Le récit de Khatyn (*) sur les atrocités perpétrées par l’armée allemande en Biélorussie pendant l’année 1943. Ce pays aura vu 628 villages anéantis par le feu (628 fois Oradour-sur-Glane), dont 186 n’ont jamais été reconstruits. Le "Cimetière des Villages Brûlés" de Khatyn conserve aujourd’hui encore dans des urnes la terre et les cendres de tous ces lieux disparus.

Réalisé à un moment de grande crispation politique internationale après un précédent film qui l’avait frustré (“L’agonie”), c’est l’aboutissement de huit années de travail. Pour incarner cette descente aux enfers, Klimov a sélectionné un acteur de quinze ans, Aleksei Kravchenko, de tous les jeunes postulants celui qui pleurait le mieux, qui était prêt à endurer les pires conditions de tournage, qui courait jusqu’à l’épuisement pour être choisi. Le film devait initialement s’appeler “Tuez Hitler”, comme pour fustiger la part de barbarie qui réside en chacun de nous. Finalement, ce sera “Va et regarde” (parole tirée des révélations de Saint Jean l’Evangéliste dans l’Apocalypse, quand l’agneau égorgé brise le premier sceau) et “Requiem pour un massacre” en France.



Tout le film est perçu à travers les yeux de Fliora, ce gamin vieilli avant l’âge, sauf l’inoubliable scène du retour à la ferme quand, accompagné de Glasha, il hâte le pas et se détourne de l’amoncellement des corps de toute sa famille. Là, Klimov ne nous fait qu’entrevoir l’innommable dans le regard bleu de la jeune fille. Les deux adolescents s’enfuient vers les marécages, traversent des bois de bouleaux (on pense aux images du bonheur originel dans “La ligne rouge” de Terrence Malick) et retrouvent d’autres réfugiés. Cherchant de la nourriture, l’adolescent est finalement capturé et amené dans un village investi par l’armée allemande.

Dans la dernière partie, la technique se fait encore plus discrète. La mise en scène accumule les inventions tout en restant miraculeusement sobre. Les mouvements de caméra (le film est intégralement tourné à la Steadycam) ne cherchent aucun artifice. Un regard vers le ciel : un avion menaçant déchire l’azur. Au loin, les arbres sont des portes de secours hors d’atteinte. Le massacre des villageois s’organise dans une chorégraphie macabre et méticuleuse.

« Ils nous ont tous regroupé, et c’était presque irréaliste ; à côté du réel, on avait dû se tromper de réel, il fallait que quelqu’un arrive et vienne le changer. Mais personne n’est venu. Yeux écarquillés, j’ai vu. Entassés dans la grange, on prenait la place du bétail. Des femmes pouvaient sortir, “sans les enfants” nous avait signalé un officier. Je suis sorti. De grandes flammes jaunes brûlaient jusqu’au ciel.

“Trop jeune” disaient-ils ? Parce que vous connaissez des guerres qui choisissent leurs victimes ? Tous fous qu’ils étaient. Je me suis éloigné... Ouais, je crois bien que si on me demandait, je dirai que ça c’est passé comme ça. Face contre feu. »

Le montage en plan-séquence renforce l’intensité dramatique sans que jamais l’image ne se complaise dans l’horreur. L’utilisation du son mériterait à elle seule une longue analyse (au début du film, après les bombes, on ne perçoit plus qu’un affreux sifflement) et va jusqu’à agréger dans une atroce cacophonie Mozart et des bruits d’animaux. On assiste abasourdi et impuissant à la tuerie, puis à ses suites. L’avant-dernière scène invente un montage d’archives qui s’achève en vertigineuse interrogation dans une flaque d’eau sale. Cette catharsis déchirante réalisée avec les tripes, où chaque scène vous assène un nouveau coup de poing, représente aussi une expérience à la limite de la fiction. Une vache volée dans une ferme est abattue à la mitrailleuse : la séquence a été réalisée à balles réelles ; on voit les traçantes filer à quelques centimètres de l’acteur et la bête agoniser sous nos yeux.

Hanté par les souvenirs d’enfance, ce récit du chaos empoigne pourtant le réel. Le désamorçage du moindre pathos (pas de gémissements, pas de larmes, pas d’heroïsme), ce refus de toute digression psychologique, cette saturation des sens (visuel et auditif) dégagent une formidable énergie dont chaque bouffée détruit un peu plus le spectateur. Comment ressortir indemne d’un tel film ? “Requiem pour un massacre” concentre le réalisme des premières minutes d’ “Il faut sauver le Soldat Ryan” (Spielberg), le lyrisme d’ “Apocalypse Now” (Coppola), l’inventivité sonore de “L’enfance d’Ivan” (le premier film de Tarkovski, sur un thème proche), l’âpreté des regards d’enfants perdus du “Mur” (Güney) ou la désespérance du “Paysage dans le brouillard” (Angelopoulos).







C’est un témoignage pour l’Histoire, un réquisitoire contre la barbarie humaine, un voyage au bout de la nuit qui pue la boue et le sang, un cinéma poussé à ses dernières extrémités et c’est terrifiant.

Elim Klimov n’a plus réalisé aucun film. Il est mort le 26 octobre 2006.

(*) Ce Khatyn situé à 60 km de Minsk n’a aucun rapport avec le site du massacre des officiers polonais : Katyn (en Russie, près de Smolensk). La Biélorussie possède son équivalent à Kourapaty, où des dizaines de milliers de russes, biélorusses, polonais et lithuaniens victimes des purges de Staline entre 1937 et 1941 sont enterrés dans des charniers.


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Les Oiseaux d’Arabie
Un Chemin avec Simone Weil

Film de David Yon
Ecrit par David et Mathieu Yon
2009





fragments d’une correspondance
avec les lettres de Simone Weil à Antonio Atarès (1941-1942)

A l’aube de la seconde guerre mondiale, des milliers de réfugiés espagnols traversent les Pyrénées pour fuir l’avance des Franquistes. Antonio Atarès est l’un d’eux : un visage parmi d’autres. Arrivé en France, il est interné au camp du Vernet en Ariège.

En mars 1941, il reçoit une lettre de quelqu’un qu’il ne connaît pas, la philosophe Simone Weil. Ces deux destins vont se croiser dans la pénombre de l’histoire. D’un côté, une philosophe juive engagée dans une lutte politique et mystique à Marseille, et de l’autre un paysan anarchiste exilé au Vernet puis aux portes du Sahara, à Djelfa en Algérie.







Site passionnant
avec de nombreux documents autour du film





Simone Weil, l’irrégulière
de Françoise et Florence Mauro





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Tous les Films
du 15/04 au 19/05
(cliquez sur les vignettes)







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BONUS


A propos de la coupure publicitaire à la télévision



M. Jean-Luc Godard a adressé, le 12 mars 1988, à M. Arnaud Teneze, directeur de l’Action artistique à TF 1, la lettre suivante :

Je me permets de vous donner mon sentiment sur le souhait de TF 1 d’insérer un "écran publicitaire" à l’intérieur de la diffusion de Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma.

D’un point de vue artistique, je regrette que TF 1 ne puisse pas insérer davantage d’écrans publicitaires au cours de la diffusion de cette oeuvre qui le mérite, et ce qui serait parfaitement en rapport avec le sujet.

Nous pouvons vous indiquer plusieurs passages où l’insertion d’un écran publicitaire serait fort utile, soit à cacher le jeu outré de l’acteur principal, soit une faiblesse de découpage ou d’éclairage.

Ces écrans pourraient être la plupart du temps soit muets, soit sonores, et je me ferais un réel plaisir d’en indiquer les emplacements possibles à votre service.

Bien entendu, il faudra choisir d’un commun accord les écrans publicitaires destinés à être insérés lors de la diffusion, et pour leur bien, et pour celui de "l’amère porteuse".

Je vous prie, cher monsieur, de croire que je vous écris ces propositions hors d’usage de toute bonne foi. La publicité sous toutes ses formes fait partie de la réalité quotidienne de notre monde occidental, et il semblerait étrange que le cinéma, qui retransmet certaines données de ce monde, ne puisse également accueillir avec affection certaines "réclames", et doive les exclure au nom de je ne sais quelle pureté artistique.

Il importe donc de pouvoir choisir pour le cinéaste non seulement l’espace et le temps de la coupe, mais le ton et le style de l’oeuvre publicitaire elle-même, en accord avec le propriétaire, de façon à faire de cette coupure une liaison pour le bien commun des deux oeuvres.

Dans le cas présent, dans le souci de faire partager au coproducteur du film - c’est-à-dire TF 1 - des recettes supplémentaires, je suggère de redistribuer un pourcentage à fixer entre les différents coproducteurs - Hamster, TF 1 et nous, - même prélevé sur le prix fixé par la chaine pour cette ou ces insertions diverses.

Je pense que cette position est infiniment plus saine que celle défendue par la SACD et la société des réalisateurs, a qui est envoyée copie de cette lettre, car de même que la production et la diffusion ne doivent pas appartenir à quelques-uns dès lors qu’il s’agit de films, de même dès lors qu’il s’agit de films publicitaires.

Jean Luc Godard