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Evènement Exceptionnel
En partenariat avec :
la Ville de Martigues, Les Amis de la Fête et
la librairie l’Alinéa
Vendredi 3 Septembre 2010 à 18h30
LA COMMUNE
Un film de Peter Watkins
France, 2007, 3h30
1ère partie – Buffet Communard– 2ème Partie
Tarif Unique : 6 euros
En présence de
Claude Willard
Président des Amis de la Commune de Paris –1871
MEDIA CRISIS -
Déclaration du cinéaste Peter Watkins à propos de la société 13 production qui produit "la commune" et qui appartient à Lagardère.
Ce message est en introduction à son film "La Commune " (PARIS 1871) : version cinématographique de 3h30.
Extrait du film de R. Ménégoz "La Commune de Paris", 1952. Musique de Joseph Kosma.
Commentaire de Henri BASSIS dit par Julien Bertheau (qui a joué le rôle de l'étudiant désoeuvré dans "la Vie est à Nous " de Renoir) de l'Académie Française.
Avec des chansons d'Henri BASSIS interprétées par les Choeurs "Guy Moquet" et "Espoir". Les poèmes sont d'Eugène Pottier.
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Evènement Exceptionnel
En partenariat avec :
la Ville de Martigues, Les Amis de la Fête et
la librairie l’Alinéa
Vendredi 3 Septembre 2010 à 18h30
LA COMMUNE
Un film de Peter Watkins
France, 2007, 3h30
1ère partie – Buffet Communard– 2ème Partie
Tarif Unique : 6 euros
En présence de
Claude Willard
Président des Amis de la Commune de Paris –1871
La version initiale de ce film, tourné en noir et blanc en 1999 et présenté en 2000 au Musée d'Orsay, était de 5 h 45. Sa réduction à 3 h 30 fait partie d'une démarche visant à faciliter l'accès au film, alors que le cinéaste connaît depuis des années d'énormes difficultés à diffuser son oeuvre construite à contre-courants des canons officiels.
Militant pour l'émergence d'un processus alternatif et démocratique dans le champ du médium audiovisuel, Peter Watkins a inventé un mot, "monoforme", pour définir ce contre quoi il lutte : ce dispositif narratif, employé par la télévision et le cinéma commercial, qui impose un "mitraillage dense et rapide de sons et d'images", avec coupes brusques destinées à créer un effet de choc, et la manipulation.
Tourné en treize jours, en suivant scrupuleusement la chronologie des événements, il brouille sciemment les notions de documentaire, de fiction ou de reconstitution historique et sape les critères habituels du document télévisuel et de la saga hollywoodienne pour forcer le spectateur à réfléchir sur la forme du film, lui enseigner la méfiance, l'encourager à contester la subordination aux médias.
La Commune, joué par des chômeurs, intermittents du spectacle, sans-papiers, provinciaux, Montreuillois, permet au public de jouer sa propre histoire, de faire le lien entre les enjeux de la révolution parisienne de 1871 et ceux de Mai 68 ou d'aujourd'hui. Peter Watkins met en place l'irruption de reporters de la Télévision versaillaise et de la Télévision communarde, micros à la main, recueillant d'un côté un discours lénifiant, appelant au maintien de l'ordre, à la lutte contre des "meneurs qui ne sont pas, pour la plupart, français", et de l'autre les témoignages du peuple insurgé. Cette démarche insolite ne peut être taxée d'anachronisme puisque le film s'affiche ouvertement comme interprété par des contemporains qui réagissent en fonction des critères de leur époque.
On a pu lire, sous la plume d'historiens du cinéma stigmatisant telle ou telle tentative, qu'il était impossible de filmer une révolution. Watkins prouve le contraire. La Commune se moque des faits, ignore Louise Michel et Jules Vallès, pour filmer une pensée, des idées, donner la parole au peuple, signifier que cette période marqua le début d'une réflexion. Et renvoie des échos contemporains : le racisme, le rôle des femmes, l'inégalité sociale, la censure, l'école...
En se situant au plus près des gens du peuple – qu’ils soient gamins de la rue, ouvriers, artisans, petits patrons, fonctionnaires, soldats, intellectuels, curés, bourgeois…- dans le Paris de 1871, La Commune de Peter Watkins – en créant des passerelles avec notre société actuelle – nous réveille pour nous rappeler que l’histoire est un matériau vivant, en devenir, et qu’à tout moment nous pouvons en devenir les acteurs lucides, conscients et responsables.
Pour aller plus loin:
Le Rebond
Association pour la promotion et la diffusion du film
" La Commune (Paris 1871) " de Peter Watkins
(cliquer sur l'image)
Militant pour l'émergence d'un processus alternatif et démocratique dans le champ du médium audiovisuel, Peter Watkins a inventé un mot, "monoforme", pour définir ce contre quoi il lutte : ce dispositif narratif, employé par la télévision et le cinéma commercial, qui impose un "mitraillage dense et rapide de sons et d'images", avec coupes brusques destinées à créer un effet de choc, et la manipulation.
Tourné en treize jours, en suivant scrupuleusement la chronologie des événements, il brouille sciemment les notions de documentaire, de fiction ou de reconstitution historique et sape les critères habituels du document télévisuel et de la saga hollywoodienne pour forcer le spectateur à réfléchir sur la forme du film, lui enseigner la méfiance, l'encourager à contester la subordination aux médias.
La Commune, joué par des chômeurs, intermittents du spectacle, sans-papiers, provinciaux, Montreuillois, permet au public de jouer sa propre histoire, de faire le lien entre les enjeux de la révolution parisienne de 1871 et ceux de Mai 68 ou d'aujourd'hui. Peter Watkins met en place l'irruption de reporters de la Télévision versaillaise et de la Télévision communarde, micros à la main, recueillant d'un côté un discours lénifiant, appelant au maintien de l'ordre, à la lutte contre des "meneurs qui ne sont pas, pour la plupart, français", et de l'autre les témoignages du peuple insurgé. Cette démarche insolite ne peut être taxée d'anachronisme puisque le film s'affiche ouvertement comme interprété par des contemporains qui réagissent en fonction des critères de leur époque.
On a pu lire, sous la plume d'historiens du cinéma stigmatisant telle ou telle tentative, qu'il était impossible de filmer une révolution. Watkins prouve le contraire. La Commune se moque des faits, ignore Louise Michel et Jules Vallès, pour filmer une pensée, des idées, donner la parole au peuple, signifier que cette période marqua le début d'une réflexion. Et renvoie des échos contemporains : le racisme, le rôle des femmes, l'inégalité sociale, la censure, l'école...
En se situant au plus près des gens du peuple – qu’ils soient gamins de la rue, ouvriers, artisans, petits patrons, fonctionnaires, soldats, intellectuels, curés, bourgeois…- dans le Paris de 1871, La Commune de Peter Watkins – en créant des passerelles avec notre société actuelle – nous réveille pour nous rappeler que l’histoire est un matériau vivant, en devenir, et qu’à tout moment nous pouvons en devenir les acteurs lucides, conscients et responsables.
Pour aller plus loin:
Le Rebond
Association pour la promotion et la diffusion du film
" La Commune (Paris 1871) " de Peter Watkins
(cliquer sur l'image)
Interview de Peter Watkins
En 2001, l’association "Rebond pour la Commune" réalise un document filmique de 30 minutes intitulé "Peter Watkins - Lituanie". Filmé dans le décor surréaliste d’un parc à thème pro-soviétique, à quelques dizaines de kilomètres de Vilnius, Peter Watkins revient sur l’expérience de La Commune, parle de son travail, de la genèse du film, de sa position de metteur en scène et, plus largement, de la crise des mass media audiovisuels actuels.
MEDIA CRISIS -
Déclaration du cinéaste Peter Watkins à propos de la société 13 production qui produit "la commune" et qui appartient à Lagardère.
Ce message est en introduction à son film "La Commune " (PARIS 1871) : version cinématographique de 3h30.
Extrait du film de R. Ménégoz "La Commune de Paris", 1952. Musique de Joseph Kosma.
Commentaire de Henri BASSIS dit par Julien Bertheau (qui a joué le rôle de l'étudiant désoeuvré dans "la Vie est à Nous " de Renoir) de l'Académie Française.
Avec des chansons d'Henri BASSIS interprétées par les Choeurs "Guy Moquet" et "Espoir". Les poèmes sont d'Eugène Pottier.
Dans le cadre du Festival Terre de Resistance
une projection de
Plus belles les Luttes
aura lieu Jeudi 2 septembre à 18h30
à la salle des conférences de Martigues
une projection de
Plus belles les Luttes
aura lieu Jeudi 2 septembre à 18h30
à la salle des conférences de Martigues
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L'AUTRE MONDE
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L'AUTRE MONDE
Voilà une quinzaine d’années que Gilles Marchand imprime au cinéma français son goût des climats troubles, de l’angoisse sourde et des imperceptibles basculements vers une autre dimension que la réalité quotidienne. C’est d’abord comme scénariste qu’il a obtenu une forte reconnaissance, enchaînant la même année l’écriture de Ressources humaines (le premier film de Laurent Cantet), puis Harry, un ami qui vous veut du bien (la comédie flippée de Dominik Moll qui, à l’été 2000, remporta un grand succès public).
Depuis, Gilles Marchand a franchi le pas de la mise en scène. En 2003, sa première réalisation, Qui a tué Bambi ?, suivait les premiers pas professionnels d’une jeune infirmière qui, sitôt débarquée dans un hôpital, découvrait que le médecin chef était un serial-killer. Ce qui ne l’empêchait pas bien sûr d’en tomber amoureuse.
ENTRETIEN
Tu es parti de quelle idée pour écrire L’Autre Monde ?
De l’envie de réaliser un film qui soit constitué de deux matières à la fois : animation et prises de vues réelles. Mais pas à la façon de Mary Poppins ou Roger Rabbit, où ces deux matières se mélangent. Je voulais qu’il y ait une frontière entre les deux mondes et en même temps que la narration passe de façon très souple d’un côté à l’autre.
Tu connais l’univers du jeu vidéo ?
Je ne suis pas un vrai geek. Je connais un peu, j’ai déjà joué. Mais le territoire virtuel que décrit mon film est moins un jeu vidéo qu’un réseau social, un endroit où on se rend sous la forme d’un avatar pour faire des rencontres, vivre une autre vie, avoir une sexualité… Second Life est un des modèles du monde virtuel de mon film. Mais j’ai voulu décrire de façon plus large toutes formes de réseau virtuel où on se connecte et qui permet de renvoyer une image stylisée ou idéalisée de soi.
Dans ton film, face aux scènes d’animation qui nous projettent dans un univers abstrait et un peu futuriste, il y a la partie en prises de vues réelles où on est dans un film d’auteur français presque archétypal : la jeunesse, la province, les balades en mobylette…
Quand on aime la vinaigrette, on ne dit pas “j’aime davantage l’huile” ou “j’aime davantage le vinaigre”… L’important c’est qu’il y ait les deux. Ces deux parties que vous décrivez sont dans le même film et je voulais passer d’un registre très mental et stylisé à une description plus réaliste du quotidien de quelques jeunes dans le sud de la France.
Je voulais idéaliser ces deux mondes. Je ne voulais pas que l’un grandisse au détriment de l’autre. La tentation, c’est de montrer le monde où on vit comme un peu triste, pas à la hauteur. J’avais envie au contraire que mon personnage principal, Gaspard, joué par Grégoire Leprince-Ringuet, ait toutes les raisons d’aimer sa vie. Le sud, les amis, la copine, la mer : je tenais beaucoup à rendre la nature très présente et désirable. Et puis il y a le monde virtuel qui est lui aussi très idéalisé.
Y a-t-il un ancrage biographique dans ce récit ? Tu es originaire de cette région du sud…
Rien de ce que raconte le film ne m’est arrivé. Mais pour décrire l’adolescence dans le sud de la France, je me suis forcément servi de mes souvenirs. Quand j’avais l’âge de Gaspard, je préférais aller au cinéma pour voir des films difficiles plutôt que de m’amuser avec mes amis, d’aller à la plage… Qu’est-ce que j’y cherchais ? Pourquoi est-ce que je percevais ce monde plus compliqué, plus sombre, plus rude que ma vraie vie comme un monde idéal ? C’est cette question étrange que traite le film. Pourquoi, quand on aime sa vie, a-t-on quand même envie de se projeter dans une autre, souvent plus violente, et qui au fond a toujours un peu à voir avec l’image de la mort ? Dans L’Autre Monde, c’est l’internet, les suicides d’adolescents… Mais la cinéphilie a aussi totalement à voir avec ça. Ces images, je les désire parce qu’elles contiennent un peu de mort.
Pourquoi avoir choisi Louise Bourgoin dont l’image Canal+ est très loin de cette prestation anxiogène ?
J’ai rencontré beaucoup d’actrices. Mes productrices avaient eu des échos très favorables de son travail sur La Fille de Monaco. Je l’ai rencontrée, elle m’a beaucoup séduit mais je me demandais si elle n’était pas en trop bonne santé (rires), trop maligne… J’ai été frappé par sa façon de parler, son côté “pas de tabous”. On s’est revus et peu à peu, derrière son sourire permanent et très communicatif, j’ai senti dans les essais qu’elle arrivait très bien à laisser passer d’autres états, plus tristes, plus opaques… J’ai aussi fait passer des essais à Julien Doré pour le rôle de Melvil Poupaud. J’aimais bien leur côté couple blond, glamour, pour jouer une relation frère/soeur un peu trouble. Mais on aurait mis les doigts dans une spirale people qui ne correspondait pas tout à fait au film.
Tu te sens à ton aise dans le cinéma français actuel ? Tu t’inquiètes pour son évolution ?
Le cinéma marche plutôt pas mal, les entrées sont bonnes, on peut faire des films. Mais on sent qu’il y a une prime à ceux qui ne sont pas trop casse-pieds. C’est peut-être le retour de bâton d’une hypervalorisation de la place du cinéaste en France. Le système semble se dire : “Avec un casting et un scénario, tout irait à peu près bien s’il n’y avait pas des réalisateurs pour tout compliquer à vouloir ceci et cela.” Cet idéal d’un cinéma où le réalisateur n’est qu’un exécutant ne m’attire pas du tout. Comme j’ai d’abord eu une reconnaissance de scénariste, je suis souvent sollicité pour des débats sur la revalorisation du métier de scénariste. J’essaie toujours de dire que ce n’est pas souhaitable de se calquer sur un modèle à l’anglo-saxonne, où le scénariste est l’allié du producteur et où le réalisateur devient un simple technicien. Pour moi, la mise en scène est l’endroit déterminant dans le désir du film.
Tu as souvent parlé de ta passion pour David Lynch. As-tu eu des chocs comparables depuis Eraserhead ?
Lost Highway aussi fut un choc immense. Je me souviens de l’éblouissement de la première partie, puis de la sidération à voir Lynch changer de film au bout de quarante minutes. Il est en train de faire un chef-d’oeuvre et d’un coup il le casse pour partir dans une autre direction. J’ai également adoré Mulholland Drive mais le choc a été moins violent. Ces derniers jours, j’ai été stupéfait par Les Moissons du ciel de Terrence Malick. J’ai même trouvé ça un peu humiliant en tant que metteur en scène de voir ce qu’il arrive à faire (rires). J’ai raté Elephant de Gus Van Sant à sa sortie. Mais on m’avait tellement parlé du film que j’avais l’impression de l’avoir vu. Quand je l’ai enfin découvert, j’ai été étonné de voir à quel point le film était beaucoup plus fort que ce sentiment de familiarité et de parfaite connaissance de ses enjeux. Il m’a étonné et ravi. J’aime aussi beaucoup Richard Kelly. J’ai adoré Donnie Darko, Southland Tales m’a ahuri, et dans un registre de rentrée dans le rang, The Box m’intéresse beaucoup. Shyamalan me passionne aussi, j’aime son côté gamin qui n’en fait qu’à sa tête. A Cannes, j’ai été enchanté par Tournée de Mathieu Amalric et Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul. Et intrigué par un film que j’ai senti proche du territoire sur lequel je travaille : Simon Werner a disparu, un film sur l’adolescence un peu inquiétant et froid.
LES INROCKS Juillet 2010
Depuis, Gilles Marchand a franchi le pas de la mise en scène. En 2003, sa première réalisation, Qui a tué Bambi ?, suivait les premiers pas professionnels d’une jeune infirmière qui, sitôt débarquée dans un hôpital, découvrait que le médecin chef était un serial-killer. Ce qui ne l’empêchait pas bien sûr d’en tomber amoureuse.
ENTRETIEN
Tu es parti de quelle idée pour écrire L’Autre Monde ?
De l’envie de réaliser un film qui soit constitué de deux matières à la fois : animation et prises de vues réelles. Mais pas à la façon de Mary Poppins ou Roger Rabbit, où ces deux matières se mélangent. Je voulais qu’il y ait une frontière entre les deux mondes et en même temps que la narration passe de façon très souple d’un côté à l’autre.
Tu connais l’univers du jeu vidéo ?
Je ne suis pas un vrai geek. Je connais un peu, j’ai déjà joué. Mais le territoire virtuel que décrit mon film est moins un jeu vidéo qu’un réseau social, un endroit où on se rend sous la forme d’un avatar pour faire des rencontres, vivre une autre vie, avoir une sexualité… Second Life est un des modèles du monde virtuel de mon film. Mais j’ai voulu décrire de façon plus large toutes formes de réseau virtuel où on se connecte et qui permet de renvoyer une image stylisée ou idéalisée de soi.
Dans ton film, face aux scènes d’animation qui nous projettent dans un univers abstrait et un peu futuriste, il y a la partie en prises de vues réelles où on est dans un film d’auteur français presque archétypal : la jeunesse, la province, les balades en mobylette…
Quand on aime la vinaigrette, on ne dit pas “j’aime davantage l’huile” ou “j’aime davantage le vinaigre”… L’important c’est qu’il y ait les deux. Ces deux parties que vous décrivez sont dans le même film et je voulais passer d’un registre très mental et stylisé à une description plus réaliste du quotidien de quelques jeunes dans le sud de la France.
Je voulais idéaliser ces deux mondes. Je ne voulais pas que l’un grandisse au détriment de l’autre. La tentation, c’est de montrer le monde où on vit comme un peu triste, pas à la hauteur. J’avais envie au contraire que mon personnage principal, Gaspard, joué par Grégoire Leprince-Ringuet, ait toutes les raisons d’aimer sa vie. Le sud, les amis, la copine, la mer : je tenais beaucoup à rendre la nature très présente et désirable. Et puis il y a le monde virtuel qui est lui aussi très idéalisé.
Y a-t-il un ancrage biographique dans ce récit ? Tu es originaire de cette région du sud…
Rien de ce que raconte le film ne m’est arrivé. Mais pour décrire l’adolescence dans le sud de la France, je me suis forcément servi de mes souvenirs. Quand j’avais l’âge de Gaspard, je préférais aller au cinéma pour voir des films difficiles plutôt que de m’amuser avec mes amis, d’aller à la plage… Qu’est-ce que j’y cherchais ? Pourquoi est-ce que je percevais ce monde plus compliqué, plus sombre, plus rude que ma vraie vie comme un monde idéal ? C’est cette question étrange que traite le film. Pourquoi, quand on aime sa vie, a-t-on quand même envie de se projeter dans une autre, souvent plus violente, et qui au fond a toujours un peu à voir avec l’image de la mort ? Dans L’Autre Monde, c’est l’internet, les suicides d’adolescents… Mais la cinéphilie a aussi totalement à voir avec ça. Ces images, je les désire parce qu’elles contiennent un peu de mort.
Pourquoi avoir choisi Louise Bourgoin dont l’image Canal+ est très loin de cette prestation anxiogène ?
J’ai rencontré beaucoup d’actrices. Mes productrices avaient eu des échos très favorables de son travail sur La Fille de Monaco. Je l’ai rencontrée, elle m’a beaucoup séduit mais je me demandais si elle n’était pas en trop bonne santé (rires), trop maligne… J’ai été frappé par sa façon de parler, son côté “pas de tabous”. On s’est revus et peu à peu, derrière son sourire permanent et très communicatif, j’ai senti dans les essais qu’elle arrivait très bien à laisser passer d’autres états, plus tristes, plus opaques… J’ai aussi fait passer des essais à Julien Doré pour le rôle de Melvil Poupaud. J’aimais bien leur côté couple blond, glamour, pour jouer une relation frère/soeur un peu trouble. Mais on aurait mis les doigts dans une spirale people qui ne correspondait pas tout à fait au film.
Tu te sens à ton aise dans le cinéma français actuel ? Tu t’inquiètes pour son évolution ?
Le cinéma marche plutôt pas mal, les entrées sont bonnes, on peut faire des films. Mais on sent qu’il y a une prime à ceux qui ne sont pas trop casse-pieds. C’est peut-être le retour de bâton d’une hypervalorisation de la place du cinéaste en France. Le système semble se dire : “Avec un casting et un scénario, tout irait à peu près bien s’il n’y avait pas des réalisateurs pour tout compliquer à vouloir ceci et cela.” Cet idéal d’un cinéma où le réalisateur n’est qu’un exécutant ne m’attire pas du tout. Comme j’ai d’abord eu une reconnaissance de scénariste, je suis souvent sollicité pour des débats sur la revalorisation du métier de scénariste. J’essaie toujours de dire que ce n’est pas souhaitable de se calquer sur un modèle à l’anglo-saxonne, où le scénariste est l’allié du producteur et où le réalisateur devient un simple technicien. Pour moi, la mise en scène est l’endroit déterminant dans le désir du film.
Tu as souvent parlé de ta passion pour David Lynch. As-tu eu des chocs comparables depuis Eraserhead ?
Lost Highway aussi fut un choc immense. Je me souviens de l’éblouissement de la première partie, puis de la sidération à voir Lynch changer de film au bout de quarante minutes. Il est en train de faire un chef-d’oeuvre et d’un coup il le casse pour partir dans une autre direction. J’ai également adoré Mulholland Drive mais le choc a été moins violent. Ces derniers jours, j’ai été stupéfait par Les Moissons du ciel de Terrence Malick. J’ai même trouvé ça un peu humiliant en tant que metteur en scène de voir ce qu’il arrive à faire (rires). J’ai raté Elephant de Gus Van Sant à sa sortie. Mais on m’avait tellement parlé du film que j’avais l’impression de l’avoir vu. Quand je l’ai enfin découvert, j’ai été étonné de voir à quel point le film était beaucoup plus fort que ce sentiment de familiarité et de parfaite connaissance de ses enjeux. Il m’a étonné et ravi. J’aime aussi beaucoup Richard Kelly. J’ai adoré Donnie Darko, Southland Tales m’a ahuri, et dans un registre de rentrée dans le rang, The Box m’intéresse beaucoup. Shyamalan me passionne aussi, j’aime son côté gamin qui n’en fait qu’à sa tête. A Cannes, j’ai été enchanté par Tournée de Mathieu Amalric et Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul. Et intrigué par un film que j’ai senti proche du territoire sur lequel je travaille : Simon Werner a disparu, un film sur l’adolescence un peu inquiétant et froid.
LES INROCKS Juillet 2010
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Inception signifie "origine", éclosion d'un événement qui va en générer d'autres en écho. Des émotions dont Christopher Nolan explore la figuration dans les arcanes du cerveau. Le chaos mental est l'un des principes de ce film d'action qui mixe la stratégie d'un gang spécialisé dans l'espionnage industriel et les troubles psychopathologiques de son chef. Orchestrateur de ce voyage dans les neurones et observateur des mécanismes de défense qui s'y déclenchent comme une sirène d'alarme, le cinéaste brouille le réel et le rêve, leur octroie à chacun des critères temporels différents.
Auteur de ce scénario infernal qu'il met en scène avec un tel sens du détail dramaturgique que nombre de spectateurs auront à coeur d'aller voir Inception plusieurs fois, Christopher Nolan imagine les exploits d'un "extracteur", un type qui s'introduit dans les rêves de ses proies pour leur voler des secrets enfouis au fond de leur subconscient. Le voilà chargé par une multinationale de faire l'inverse : plutôt que de dérober une idée, il s'agit d'en implanter une dans l'esprit d'un individu, comme un ver dans un fruit. Glisser l'inception susceptible de pousser un puissant patron à changer ses plans.
Construite sur le principe des histoires en abyme, obligeant ces étranges espions à imaginer les décors déroutants de leurs plongées oniriques et à emboîter plusieurs rêves les uns dans les autres, cette intrigue est de nature à combler les tenants du spectacle à l'hollywoodienne. Truffée d'effets spéciaux, elle donne lieu à des jeux de miroirs sous le métro aérien parisien, une poursuite échevelée dans les ruelles de Mombasa au Kenya, des constructions virtuelles qui s'écroulent, des pieds de nez à l'équilibre, marches au plafond, combats en apesanteur, final à la James Bond, suspense crispant.
Les admirateurs de Christopher Nolan y retrouvent le goût du dédale, la succession de flash-back, les décalages de niveaux de réalité et le désordre psychologique lié à l'amnésie qui faisaient le succès de son premier film, Memento (2000), ainsi que sa propension à faire de Batman un justicier tourmenté (Batman Begins, 2005, et The Dark Night, 2008). Car Cobb est hanté par une douloureuse épreuve intime, poursuivi par une épouse décédée qui surgit dans ses songes pour saboter ses missions.
"Ces rêveurs assis"
Ils découvriront un démiurge machiavélique que n'eurent pas renié les surréalistes. Nous ne sommes pas loin ici du Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais et Jacques Sternberg (1968) où un homme voyage à travers le temps en égaré, cobaye d'une expérience perturbée qui lui fait croiser une fille cafardeuse qu'il prétend avoir tuée. Dans Inception, Mall, la femme fatale (Marion Cotillard), est la Nadja de Cobb, une créature quasi fantasmatique qui prend le rêve pour le réel (et inversement), multiplie les appels de détresse, perd la raison jusqu'à sauter dans le vide pour retrouver l'amour de sa vie. Surréaliste suicidé en 1929, Jacques Rigaut était pareillement certain de n'être qu'un fantôme, persuadé qu'en remontant le temps il redeviendrait lui-même.
La minutie avec laquelle Christopher Nolan peint la mise en place des séances de sommeil collectif nous replonge dans les expériences hypnotiques planifiées chez André Breton, où Robert Desnos remplissait le rôle du médium aux yeux fermés.
Comme dans Inception, ces séances destinées à explorer les rêves de chacun entraînaient des désordres sensoriels et états impulsifs. L'idée de Breton était que ces rêves harmonisés en "vases communicants" étaient de nature à résoudre certaines difficultés de la vie. Exista même avec un certain Hervey de Saint Denys (1822-1892) la notion de "rêve dirigé" : ce sinologue prouva que l'on pouvait se créer les rêves de son choix, par exemple rêver d'une région après s'être endormi en aspergeant son oreiller d'un parfum qu'il y avait acquis.
Dans Inception, on n'est pas près d'oublier ce plan, fixant des corps endormis flottant dans un virtuel cosmos. C'est l'image même des spectateurs de cinéma, candidats à rêver ensemble, dans une même salle. Ces "rêveurs assis, disait Desnos, sont emportés dans un nouveau monde auprès duquel la réalité n'est que fiction peu attachante."
Auteur de ce scénario infernal qu'il met en scène avec un tel sens du détail dramaturgique que nombre de spectateurs auront à coeur d'aller voir Inception plusieurs fois, Christopher Nolan imagine les exploits d'un "extracteur", un type qui s'introduit dans les rêves de ses proies pour leur voler des secrets enfouis au fond de leur subconscient. Le voilà chargé par une multinationale de faire l'inverse : plutôt que de dérober une idée, il s'agit d'en implanter une dans l'esprit d'un individu, comme un ver dans un fruit. Glisser l'inception susceptible de pousser un puissant patron à changer ses plans.
Construite sur le principe des histoires en abyme, obligeant ces étranges espions à imaginer les décors déroutants de leurs plongées oniriques et à emboîter plusieurs rêves les uns dans les autres, cette intrigue est de nature à combler les tenants du spectacle à l'hollywoodienne. Truffée d'effets spéciaux, elle donne lieu à des jeux de miroirs sous le métro aérien parisien, une poursuite échevelée dans les ruelles de Mombasa au Kenya, des constructions virtuelles qui s'écroulent, des pieds de nez à l'équilibre, marches au plafond, combats en apesanteur, final à la James Bond, suspense crispant.
Les admirateurs de Christopher Nolan y retrouvent le goût du dédale, la succession de flash-back, les décalages de niveaux de réalité et le désordre psychologique lié à l'amnésie qui faisaient le succès de son premier film, Memento (2000), ainsi que sa propension à faire de Batman un justicier tourmenté (Batman Begins, 2005, et The Dark Night, 2008). Car Cobb est hanté par une douloureuse épreuve intime, poursuivi par une épouse décédée qui surgit dans ses songes pour saboter ses missions.
"Ces rêveurs assis"
Ils découvriront un démiurge machiavélique que n'eurent pas renié les surréalistes. Nous ne sommes pas loin ici du Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais et Jacques Sternberg (1968) où un homme voyage à travers le temps en égaré, cobaye d'une expérience perturbée qui lui fait croiser une fille cafardeuse qu'il prétend avoir tuée. Dans Inception, Mall, la femme fatale (Marion Cotillard), est la Nadja de Cobb, une créature quasi fantasmatique qui prend le rêve pour le réel (et inversement), multiplie les appels de détresse, perd la raison jusqu'à sauter dans le vide pour retrouver l'amour de sa vie. Surréaliste suicidé en 1929, Jacques Rigaut était pareillement certain de n'être qu'un fantôme, persuadé qu'en remontant le temps il redeviendrait lui-même.
La minutie avec laquelle Christopher Nolan peint la mise en place des séances de sommeil collectif nous replonge dans les expériences hypnotiques planifiées chez André Breton, où Robert Desnos remplissait le rôle du médium aux yeux fermés.
Comme dans Inception, ces séances destinées à explorer les rêves de chacun entraînaient des désordres sensoriels et états impulsifs. L'idée de Breton était que ces rêves harmonisés en "vases communicants" étaient de nature à résoudre certaines difficultés de la vie. Exista même avec un certain Hervey de Saint Denys (1822-1892) la notion de "rêve dirigé" : ce sinologue prouva que l'on pouvait se créer les rêves de son choix, par exemple rêver d'une région après s'être endormi en aspergeant son oreiller d'un parfum qu'il y avait acquis.
Dans Inception, on n'est pas près d'oublier ce plan, fixant des corps endormis flottant dans un virtuel cosmos. C'est l'image même des spectateurs de cinéma, candidats à rêver ensemble, dans une même salle. Ces "rêveurs assis, disait Desnos, sont emportés dans un nouveau monde auprès duquel la réalité n'est que fiction peu attachante."
Jean Luc Douin
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de et avec
Mathieu Amalric
avec Mimi Le Meaux, Evie Lovelle, Dirty Martini, Roky Roulette… 1h51.
Tournée, le quatrième film de Mathieu Amalric et qui ouvrait la compétition officielle, consiste en au moins quatre voyages superposés et presque antagonistes dont aucun ne finira vraiment jamais. D’abord un voyage dans le music-hall contemporain avec le show que produit de ville en ville une petite troupe de strip-tease américaine spécialisée dans le new burlesque : cinq filles plutôt potelées, dodues, parfois grassouillettes et un garçon. C’est un voyage au sens fellinien du terme : une succession de numéros de cabarets perçus dans la lumière brouillée de discothèques et de vieux théâtres de province, ou jaillissant dans l’embrasure d’un lourd rideau, ou s’improvisant pendant une répétition. Un défilé de chairs bariolées et de rayons fumants, une exposition morcelée, sexy sans être réellement sexuelle, où les corps offrent en même temps leur beauté et sa dérision. Les pompons tournicotent au bout des seins, les foulards s’échappent des culottes et, sur les pubis, claquent de minuscules bannières étoilées.
Trahisons. Le second voyage est celui par lequel ces plantureuses Américaines découvrent la France. Ou plutôt ne la découvrent pas puisqu’elle se plaignent à leur manager, Joachim, de n’en voir que des hôtels Mercure, des zones commerciales et des boîtes paumées. Le Havre, Nantes, Bordeaux, mais aucun paysage autre qu’urbain, nocturne, gris et postindustriel.
Joachim est le héros de Tournée et il est lui-même l’objet du troisième voyage où nous emmène le film : un voyage dans sa vie. Celle-ci est un champ de guerre. Deux fils bientôt ados dont il ne sait pas s’occuper, une ex-compagne qui ne veut plus le voir, des amis cruels, des ennemis déterminés, des galères d’argent et des trahisons dont Joachim est peut-être le coupable. En tout cas, quand il dit qu’il doit monter à Paris «pour y tuer un type», on ne mettrait pas la main au feu qu’il plaisante.
Enfin, Tournée nous fait voyager avec une élégance et une discrétion renversantes dans ce qu’il faut bien appeler, en faisant le moins peur possible, le meilleur du cinéma français. Dès les premiers plans, le film fait revivre et tenir ensemble le Femmes, Femmes de Paul Vecchiali et le Plaisir de Max Ophüls. A Nantes, ce sera Demy, Melville et pourquoi pas Jim Morrison qu’il enlacera avec un tact immense. Et ainsi de suite, sans jamais donner le sentiment de convoquer des fantômes glacés à bon compte, mais au contraire en dansant sur un brasier d’admiration à demi consciente et portée par la flamme de son sujet : l’éternel féminin où Tournée, son héros et son metteur en scène, joyeusement, se consument.
A ce stade, il ne devrait plus y avoir de suspense. Oui, le cinéaste et Joachim ne font qu’un : Mathieu Amalric, et il n’aurait pas pu en être autrement. C’est Amalric qui régale et offre, à risques maximums, une tournée à cœur ouvert sur une vision profonde, palpitante et donc cardiaque, philosophique et donc morale, de la vie. L’acteur Mathieu est d’un génie inquiétant dans le rôle. L’auteur Amalric est d’une finesse captivante dans la mise en scène. Son cinéma tactile et sobre, chaud et coupant, doué de nouvelles couleurs et lumières, maintient son régime élevé, son rythme percussif et sa consistance sensible sans faux-pas d’un bout à l’autre de l’épopée. En peignant sa fiction sur les décors d’un monde où les nuits sont des espaces-temps prolongés, désynchronisées du monde social habituellement représenté, Amalric offre aussi à son film la liberté de creuser à son tour des galeries dans ses propres nuits talismaniques et improvisées. Les petits matins de Tournée sont des moments de suspension inoubliables.
«Tout est suspect sauf votre corps. Tout. Sauf vous, les filles», dit Joachim à ses danseuses, croyant avoir des choses à leur apprendre à ce sujet. C’est plutôt nous qui profitons de la leçon : «Ça prend du temps pour aimer son corps», pourra-t-on aussi entendre au fil de dialogues dont Joachim-Amalric est l’âme et l’interprète, tout en gaieté malgré les choses graves, tout en légèreté malgré des destins que l’on devine lourds. Dans Tournée, c’est toujours la joie de vivre qui l’emporte : parmi ces femmes qu’il emploie et qu’il admire, le marlou Joachim finira par en élire une. Ce sera Mimi, la belle néo-Marilyn, qui aura vu in fine son morceau de France, en paysages certes, mais surtout en chair et, on l’espère pour elle, en os.
OLIVIER SÉGURET
Lors du Festival des films d'école de Poitiers, Mathieu Amalric était sur scène pour une leçon de cinéma particulière.