Du 29 Décembre 2010 au 1er Fevrier 2011

Meilleurs Vœux pour 2011
à tous les spectateurs du Renoir
qui contribuent, par leur fidélité, à nous encourager
à inventer et proposer un programme que nous sommes heureux
de leur proposer semaines après semaines.




Programme téléchargeable






























CINE - GOUTER :




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Le Film du Mois

du 12 au 23 janvier

Le Quattro volte

Michelangelo Frammartino



Une grande œuvre de cinéma, visible par tous les âges, tous les public et faisant côtoyer l’émerveillement, le rire et le mystère...
Une expérience et un enchantement.


« Est-ce que le cinéma peut se libérer du dogme qui dit que le personnage principal doit être un homme? Le Quattro Volte encourage un parcours de libération du regard. Il pousse le spectateur à trouver le lien invisible qui anime la totalité du monde. Le film commence de manière traditionnelle, en se concentrant donc sur l’homme. Puis, il déplace l’attention du spectateur sur ce qui entoure l’humain, et qui ne constitue normalement que le décor du film. L’humain est “enlevé” et relégué à l’arrière plan, et ce qui était au fond passe au premier plan pour faire place au plaisir d’une découverte : les autres règnes – le végétal, l’animal et le minéral – qui ont la même dignité que l’humain. Pour moi, le cinéma est un instrument qui peut, plus que d’autres modes d’expression, mettre en évidence la liaison entre les règnes. Trouver ce lien a été une aventure cinématographique ». Michelangelo Frammartino

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Région la plus pauvre d’Italie, située à l’extrême sud du pays, la Calabre est très marquée par les coutumes ancestrales et a pour principale ressource l’agriculture. A travers le récit des derniers jours d’un berger, des premiers pas d’un chevreau au milieu du troupeau, et des différentes activités des villageois, Michelangelo Frammartino s’interroge sur ce qui constitue le monde au sens originel du terme : l’humain, le végétal, l’animal, le minéral, trouvant grâce au réalisateur une égale dignité. Plaçant sa caméra dans un village des montagnes de Calabre, le cinéaste livre une oeuvre à l'apaisant silence (aucun dialogue ne vient troubler les images) et à la démarche audacieuse.



On suit d'abord les derniers jours d'un vieux berger entouré de son troupeau de chèvres. Une fois que le vieillard est décédé, les animaux entrent dans la maison du mort et prennent possession du film : on suit entre autres les premiers pas d'un chevreau aussi fragile qu'attendrissant. Cette partie maîtrise à merveille l'art du burlesque, dans un étonnant mélange d'humour et de solennité. Enfin, le film montre l'évolution d'un marronier à travers les saisons et décrit la transformation du bois en charbon de fumées et de poussières.

Avec une lenteur majestueuse, Michelangelo Frammartino capte l'âme d'une région qui semble hors du temps et renvoie l'homme à sa condition de simple espèce peuplant la nature.
Le cinéaste italien déclarait qu'il était important qu' "il n'y ait aucun artifice : ni technique, ni linguistique, ni métaphorique, ni dramaturgique." Cette radicalité fait mouche dans Le Quattre Volte, sublime traité poétique sur le cycle des saisons.



Ici les pierres ont le pouvoir de changer les événements, les chèvres poussent sur les arbres... Le premier épisode raconte les derniers jours de la vie d'un vieux berger, y compris le pâturage ou encore la traite. Les superstitions et les rituels populaires sont encore très vivaces dans la région. La deuxième partie du film décrit l'élevage à la campagne, à la suite des premiers jours de vie d'un enfant, de la naissance à la ségrégation dans le pli à l'alpage d'abord, et le troisième se concentre sur l'évolution d'un marronnier à travers les saisons. Enfin, le quatrième et dernière partie du film s'intéresse au commerce du charbon, l'art ancien de transformer le bois en charbon de fumées et de poussières à partir d'un mètre de profondeur dans le bois vibbese.



Faire un film de fiction sans acteurs ; raconter une histoire sans personnages, est ce possible ? Et bien oui. Michelangelo Frammartino y arrive, et avec un certain succès. Présenté cette année à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Le quattro volte s'inscrit directement dans la lignée de son précédent film, le déjà curieux Il Dono. On retrouve le même univers rural hyper réaliste, l’omniprésence de la nature, l’absence totale de dialogues et en guise de personnages : des chèvres, des arbres, un village, de la fumée… Quelques éléments que le film parvient miraculeusement et sans qu’on arrive à comprendre très bien comment, à transformer en véritable fiction. On observe des chèvres gambader, et tout d’un coup la scène vire à la comédie, puis devient toute émouvante, sans qu’on puisse trouver des mots pour l’expliquer. Le film raconte trois fois rien, mais la juxtaposition-même de ces éléments finit par créer un récit à la fois simple et elliptique, qui laisse libre cours à toutes les interprétations sur les cycles de la vie (comme l’indique les saisons du titre). Mais même sans avoir besoin de tirer à tout prix des métaphores par les cheveux, le film réussit à tenir debout avant tout grâce à la rigueur de son écriture et surtout de sa mise en scène, comme en témoigne l'impressionnant plan séquence burlesque central où une procession religieuse croise la route d'un chien de berger récalcitrant. A noter que le chien a d'ailleurs obtenu un mention spéciale de la fort convoitée Palme Dog.
Gregory Coutaut


Dossier de Presse :



Bande Annonce:




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CHEMINOTS
luc Joulé et Sébastien Jousse

Vendredi 21 Janvier 2011
20h30


Soirée Débat
en présence de

Membres du CE CHEMINOTS PACA
Luc JOULÉ
Réalisateur

Robert MENCHERINI
Historien du mouvement social

Les cheminots parlent. On les voit à l’ouvrage. Conduire une motrice. Effacer une panne - instant de panique dans les yeux du conducteur. Répondre au téléphone - énervement, tripotage de boules de billard face à un interlocuteur débile : «Non madame ce n’est pas échangeable». Assurer les «correspondances» pour les voyageurs d’un train retardé. Réparer une motrice. Revisser des boulons sur les rails. Vendre des billets au guichet. «Le peu d’années que tu passes aux chemins de fer, ça te reste toute une vie.»

«Moins seul». Les cheminots bossent, font «encore» (pour combien de temps ?) corps, s’entraident, assurent ce qu’ils considèrent comme un service, mais sentent bien que ça ne va pas durer longtemps pour eux. Ce monde leur échappe. Lors d’une réunion, un chef leur parle d’adaptation, d’évolution, de concurrence, de fret mondial et de remise en cause dans leur travail… L’un d’eux grimace, sceptique.

Cette zone charnière, entre le monde qu’ils ont connu et celui dans lequel ils sont censés prendre leurs nouveaux repères, Luc Joulé et Sébastien Jousse l’ont saisie durant un an et demi. «Sillonner les gares, les ateliers et les bureaux, pour observer et écouter», écrivent-ils. Cheminots nous donne à voir des existences, des doutes, des émotions chez ces gens qui vivent et travaillent dans la région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur). C’est l’histoire d’une grande famille qui s’étiole. Les cheminots ne regrettent pas le passé, mais la communauté de vues et la possibilité de rendre leur travail gai. Ils ne sont pas nostalgiques. Ils disent combien ce sentiment de maîtriser ce qu’ils font leur échappe. Beaucoup se transmettent le métier d’une génération à l’autre.

Le film multiplie les scènes prises sur le vif. Le père parle de la fierté qu’il a de voir son fils conduire le TGV, une promotion sociale, tandis que lui a commencé plus bas. Un aiguilleur avoue, dans un souffle, son soulagement d’entendre que quelqu’un, enfin, réponde au téléphone après plusieurs tentatives vaines : «Heureusement qu’t’es là, Jacky, j’me sens moins seul.»

Ils ont l’impression que le métier fout le camp. «Il faut à tout prix qu’on coûte moins cher», dit l’un.«Avant, le travail nous appartenait», répond l’autre. Ils sont de moins en moins nombreux : «On est tellement "sectionnés". J’étais à la circulation, je deviens tourne-boulons. Je ne fais qu’un petit bout du travail, et je n’en connais plus le reste. Je perds le goût de bosser.» Cet autre : «On ne m’écoute plus, on ne m’entend plus, j’ai l’impression que je n’ai plus ma place, qu’on ne me veut plus.»

Ils passent moins de temps qu’avant à réviser les machines, ce qui est problématique pour leur sécurité et celle des voyageurs. «Je ne sais pas si un jour je ne m’arrêterais pas de prendre le train», dit l’un des intervenants, conscient que le degré d’exigence technique baisse. En jeu, l’ouverture au privé, et la culture de l’entreprise qui change. Invité du film, le réalisateur Ken Loach résume l’expérience anglaise (qu’il a traitée dans son long métrage The Navigators) : «Les employés sont devenus intérimaires et sous-traitants, il y a eu des accidents, le service s’est dégradé et les prix ont augmenté. La privatisation a coûté plus cher au contribuable. C’est d’une stupidité sans nom.»

«Pédago». Alors, que faire pour enrayer le mouvement ? Raymond Aubrac, face à quelques syndicalistes qui lui font part de leur désarroi, explique qu’il leur faut être un peu plus «pédago» avec ce qu’ils vivent, qu’ils doivent expliquer ces mutations à la population. «Si vous démontrez que les détenteurs de capitaux vont utiliser cette opération [la privatisation, ndlr] pour faire des bénéfices, et que la situation du transport va se dégrader, cela va intéresser l’opinion publique», pronostique l’ancien résistant, qui recommande «l’optimisme» et, aussi, de ne pas baisser les bras. «Dans le langage cheminot, on ne dit pas reculer, mais refouler», conclut le film. Leur métier refoule, mais cette prise de parole, au moins, défoule.

DIDIER ARNAUD







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MONDIALISATION

QUE FAIRE ?


Mardi 1er Février 18h30

CONFERENCE-DEBAT / BUFFET / FILM


En partenariat avec

LE CAFE CITOYEN DE PROVENCE


Débat animé par

Fabrice AUBERT, économiste

en présence de représentants des AMAP




« Les films d'alertes et catastrophistes ont été tournés, ils ont eu leur utilité, mais maintenant il faut montrer qu'il existe des solutions, faire entendre les réflexions des paysans, des philosophes et économistes qui, tout en expliquant pourquoi notre modèle de société s'est embourbé dans la crise écologique, financière et politique que nous connaissons, inventent et expérimentent des alternatives. » Coline Serreau



Dépassant la simple dénonciation d'un système agricole perverti par une volonté de croissance irraisonnée, Coline Serreau nous invite dans « Solutions locales pour un désordre global » à découvrir de nouveaux systèmes de production agricole, des pratiques qui fonctionnent, réparent les dégâts et proposent une vie et une santé améliorées en garantissant une sécurité alimentaire pérenne.



Caméra au poing, Coline Serreau a parcouru le monde pendant près de trois ans à la rencontre de femmes et d'hommes de terrain, penseurs et économistes, qui expérimentent localement, avec succès, des solutions pour panser les plaies d'une terre trop longtemps maltraitée.
Pierre Rabhi, Claude et Lydia Bourguignon, les paysans sans terre du Brésil, Kokopelli en Inde, M. Antoniets en Ukraine... tour à tour drôles et émouvants, combatifs et inspirés, ils sont ces résistants, ces amoureux de la terre, dont le documentaire de Coline Serreau porte la voix.

Cette série d'entretiens d'une incroyable concordance prouve un autre possible : une réponse concrète aux défis écologiques et plus largement à la crise de civilisation que nous traversons.


DOSSIER de PRESSE:









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Le Soldat Dieu

Koji Wakamatsu. Scén. : Hisako Kurosawa et Hisako Kurosawa d’après la nouvelle d’Edogawa Rampo.


Monstrueuse parade

Dans son acceptation antique, le vétéran est usuellement un soldat qui bénéficie de nombreux avantages une fois ses missions guerrières glorieusement honorées. Mais un militaire choyé par son peuple ne fait pas un bon personnage de cinéma. Hollywood l’a bien compris, abusant de cette figure récurrente pour créer un genre majoritairement basé sur les funestes retours de la guerre du Vietnam. Le Retour (Hal Ashby, 1978) et Né un 4 juillet (Oliver Stone, 1990) voient ainsi les héros nationaux cloués dans leurs fauteuils roulants. Rambo (Ted Kotchev, 1982), Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976) ou bien encore Birdy (Alan Parker, 1985) insistent eux sur les dégâts psychologiques et les troubles comportementaux plus ou moins handicapant qui s’en suivent. Cette scénarisation industrielle du retour n’a guère d’équivalent dans les autres cinématographies. La France, souvent taiseuse sur ses guerres, ne compte que quelques titres, dont le finalement très romanesque film de François Dupeyron, La Chambre des officiers (2001), portant sur les gueules cassées de la première guerre mondiale. Plus récemment, Lebanon (Samuel Maoz, 2008) s’est inscrit dans cette mise à l’épreuve du spectateur que l’on soumet presque physiquement aux pressions mutilantes de la guerre.


Ce préambule vaut contraste tant la charge du Soldat Dieu de Koji Wakamatsu est sans commune mesure avec les œuvres auxquelles le public s’est finalement confortablement habitué. S’il fallait trouver une parenté au lieutenant Kurokawa, compilation de toutes les horreurs citées précédemment, c’est sans conteste du côté du Johnny s’en va-t-en guerre de Dalton Trumbo (1971) qu’on la trouvera. Ce jeune soldat revenu du front de 14-18 a perdu bras et jambes suite à l’explosion d’un obus. Sourd et défiguré, pudiquement dissimulé sous un drap blanc, l’homme tronc parvient à échanger avec son infirmière en recourant à un morbide système de morse corporel. Avec Wakamatsu, tout voile pudique est levé, le résidu humain est bien visible : amputé des bras et des jambes, défiguré par une vilaine cicatrice, presque chauve. Aucun stigmate ne nous est épargné. Et contrairement à son homologue américain, il s’avère très mobile, voire très agité. La guerre qui a démembré Shigeko est la seconde guerre Sino-japonaise qui l’a expédié à domicile couvert de médaille, faisant de lui n mausolée vivant de l’héroïsme national. Pour s’occuper de ce semblant de mari dont elle nie d’abord la réalité, Kuyzo fait preuve de courage et d’abnégation, suppléant l’homme dans sa mission patriotique de dévotion à l’Empereur et au pays tout entier. C’est fièrement qu’elle promène son mort-vivant médaillé dans une charrette devant laquelle chaque villageois s’incline avec respect. Mais cette mise en scène édifiante sur la scène publique n’est qu’un leurre, une monstrueuse parade dont l’envers du décor révèle une authentique cruauté domestique.

Monsieur est très exigeant, son insatiabilité est totale. Ce freak dévore plus qu’il ne mange, vampirisant sauvagement le temps de sa femme contrainte, malgré sa répulsion, d’assurer son devoir conjugal. D’abord assujettie, Kuyzo va répondre à tous les besoins pressants de Shigeko qui réclame de fait l’attention conjuguée d’un nouveau né et d’un mari. Peu à peu, la rébellion s’esquisse, le pouvoir change de main et le dominateur devient dominé. Pas d’érotisme dans cette volte-face, juste une inversion d’une mécanique, un renversement des valeurs qui pilonne sans retenue le modèle patriarcal. Avant la guerre, ce couple était déjà stérile. Après la guerre, c’est l’homme qui engendre un autre être, un double monstrueux, un avorton qui dénie le cycle naturel de la vie car c’est désormais le mâle qui donne naissance au mâle. Cet engendrement dévoyé renvoie bien évidemment à Hiroshima dont l’impact a couru sur plusieurs générations, la monstruosité étant appelée à durer au-delà du moment précis de l’explosion. Les ébats sont filmés avec la même précision clinique que les repas, moments douloureux d’ingurgitation, car l’homme en est réduit à ses besoins les plus organiques. Les corps se crispent, se touchent, mus à la fois par la nécessité de la survie et la pression sociale qui s’exerce dès que l’on franchit le pas de la porte. A l’intérieur, la violence est crue, sans faux-semblants, abrupte de vérité. A l’extérieur, tout n’est qu’est hypocrisie, les flonflons de la pensée unique volent au vent nationaliste, la propagande tétanise jusqu’aux cœurs villageois. Seul le simplet du village semble échapper à la mise au pas des esprits, mangeant des fleurs en signe de refus poétique du système établi.


Tourné en douze jours en format numérique, Le Soldat Dieu bénéficie d’une esthétique d’une grande goujaterie : flash-backs saillants et brutaux, raccords sur signifiants, musique abondante, archives intempestives, incrustations vidéo à la façon des années quatre-vingt... Ce renoncement au bon goût a le mérite du surprendre et de faire tâche dans une production mondiale parfois trop lissée, cette dissonance cinématographique renvoyant bien évidemment à la difformité du corps de Shigeko, à son inadéquation au monde et au morcellement de sa vision autrefois d’une absolue rectitude. Wakamatsu brise le film et ses codes comme le légionnaire brise le portrait de l’Empereur, la colère du personnage s’exprimant avec la même virulence que celle de son créateur. Le politiquement incorrect culmine dans les petites balades rurales où Shigeko est exhibé par sa femme dans une sorte de monstrueuse parade. A ce moment là du récit, la mise en scène semble alors s’assagir, nimbant la campagne de douces lumières. Cette fausse accalmie est une parenthèse pour que la caravane patriotique apparaisse encore plus décalée, plus grotesque. Le Soldat Dieu lorgne également du cinéma fantastique auquel fait référence le titre anglais : Cartepillar (la chenille), renvoyant l’homme au statut d’une bête en construction, une chrysalide qui jamais ne se transformera.

Cette approche peu consensuelle du monde et du cinéma, Koji Wakamatsu la revendique depuis le début de sa carrière en 1959. Auteur prolifique, il a longtemps mêlé l’érotisme et la violence dans des productions souvent tournées à la hâte. Il doit notamment sa notoriété européenne à la récente réédition de Quand l’embryon part braconner (1962) et à sa dernière réalisation United Red Army (2008), portrait d’un groupe de terroristes japonais des années soixante-dix. Si on ajoute à cela son expérience de producteur de L’Empire des Sens de Nagisa Oshima, on obtient une image assez complète de ce dissident qui fait du cinéma le bras armé de sa pensée politique. Il conviendra pour autant de ne pas simplifier l’homme et son œuvre. L’épouse de Shigeko n’est pas la méchante infirmière de l’écrivain cloué au lit du Misery de Rob Reiner. L’art de la domination tel que le décrit Wakamatsu est beaucoup plus subtil car éminemment réversible. Les accouplements de la belle et de la bête relèvent à la fois du politique et de l’intime, donnant à la chair les chatoiements bruns d’un morbide automne.

Vincent Thabourey







Que signifie réellement la guerre ? Peut-on donner un sens à des gens tuants des gens pour le bien de leur pays ? Où peut-on bien trouver une guerre juste ?

N’oubliez pas la puanteur du sang qui recouvre la terre !
N’oubliez pas l’odeur de la chair brûlée !
Nous ne devons pas oublier… car c’est ce que la guerre est.

Plus de 140,000 personnes sont mortes suite au largage de la bombe atomique sur Hiroshima.
Plus de 70,000 personnes sont mortes suite au largage de la bombe atomique sur Nagasaki.
984 criminels de guerre, de classe B* et C**, ont été condamnés à mort.
Plus de 100,000 ont péri lors du bombardement de Tokyo.
Plus de 20 millions sont morts sur le continent Asiatique.
Plus de 60 millions sont morts durant la Seconde Guerre Mondiale.

Koji Wakamatsu




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Un film de Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson

Sound of Noise c’est un concept un peu dingue déjà mis en boîte le temps d’un court métrage par les deux trublions accompagnés de leurs acteurs/percussionnistes géniaux. Ce court s’appelle sobrement Music for One Apartment and Six Drummers et annonce déjà ce qui s’apparente à un pur film expérimental mariant habilement enquête policière, propos anarchiste et bien sur musique. Un cocktail détonnant qui fonctionne merveilleusement sur 10 minutes, et qui se voit étalé au cinéma sur près d’une heure quarante. Inutile de préciser que l’exercice est périlleux, un concept aussi original soit-il pensé pour un court métrage n’est pas forcément adaptable au format long. Et surprise, ça fonctionne! Certes le film n’est pas parfait, il atteint à un moment donné ses limites liées à l’idée de base, mais il se dégage de cette entreprise une sorte de pure folie extrêmement communicative qui ne peut que donner le sourire à un public qui n’a tout simplement jamais vu ça sur un écran de cinéma. Après tout ce n’est pas tous les jours qu’on croise des « terroristes musicaux » sur grand écran, et pour être tout à fait franc, ça fait un bien fou de voir du vrai cinéma aussi inventif et libre.

Music for one apartment and six drummers:



Construit à la manière d’une symphonie, en quatre mouvements, Sound of Noise réussit haut la main le passage au format long grâce à cette structure narrative justement. On pourrait presque prendre chacun de ces actes de façon indépendante et on obtiendrait quatre courts métrages ultra efficaces, qui mis côte à côte forment un ensemble d’une cohérence absolue. Le premier attentat est de loin le meilleur, à tel point que les suivants paraissent presque fades malgré la folie qui les anime. Ainsi on se retrouve avec les 6 percussionnistes fraichement conviés et réunis autour d’une opération de terrorisme acoustique de grande envergure, tous autour d’une table d’opération avec un patient dessus. C’est la première vraie démonstration de ce principe hallucinant visant à créer de la musique à partir des sons du quotidien, et c’est tout simplement bluffant.



On prend un pied assez monstrueux devant ce spectacle doux-dingue. En parallèle à cette révolution par la musique, afin de donner de la contenance au récit, on suit une enquête policière somme toute basique menée par un inspecteur flegmatique du nom d’Amadeus, venant d’une famille de musicien alors qu’il est tout simplement allergique à la musique. Son personnage atteint d’une étrange surdité (gentille incursion du fantastique dans le film) sert de lien aux différents chapitres. À ce titre chaque intervenant bénéficie d’une mini biographie à mourir de rire, du genre humour à froid qui fait mouche à chaque fois tant il est bien amené. Mais malheureusement le dénouement vient assombrir le tableau. Si certaines scènes sont juste magiques (les lumières de la ville) il s’étire trop et perd l’intensité qui faisait la force de tout ce qui précédait.



Au niveau de la réalisation, c’est la classe absolue. Il s’agit pourtant d’un premier film mais le soin apporté à l’image a de quoi bluffer, comme souvent avec les productions des pays du nord de l’Europe. Photographie éclatante, mise en scène dynamique avec quelques choix de cadres audacieux, c’est un véritable régal pour la rétine. Mais bien entendu c’est une chose assez rare au cinéma qui se passe, c’est à dire que c’est le son qui prédomine très largement sur l’image. Film musical par excellence (mais pas comédie musicale, nuance) Sound of Noise bénéficie d’un travail titanesque sur le montage sonore (avec de longues plages de silence justifiées) qui sublime ces compositions carrément délirantes mais d’une justesse mélodique qui ne pourra jamais être remise en cause. Si le titre du film fait malicieusement référence au bruit, on parle bien de musique là-dedans. Et on assistera, au détour d’une scène mémorable, à la destruction en règle de la finesse musicale d’un orchestre philharmonique par la brutalité sonore de pelles de chantier. Jouissif à souhait!






Site du Film:





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