Du 2 Février au 8 Mars 2011



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Horaires des Séances


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La Cinémathèque Française
et
Cinémas du Sud

présentent




SOIREE D'OUVERTURE

Vendredi 4 Février 2011
19h00




en présence de
Nathalie BOURGEOIS
Directrice du département pédagogique
de La Cinémathèque Française
et
Pierre GABASTON
Auteur de
Rebelles sur grand écran
une co-édition La Cinémathèque Française et
les Editions Actes Sud Junior.


Tarif : 5euros + 3 euros participation Buffet
Réservation: 04 42 44 32 21




Toutes les Infos

et

la programmation au Renoir:


(cliquer sur l'image pour accéder au dossier)



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Mardi 8 Février 20h00
Ciné/Philo
Petite enfance et Philosophie

Séance animée par
Marc Rosmini
Philosophe
et
Annette Wirtlewski
de la Mission Projet à l'Inspection Académique 13





CE N’EST QU’UN DÉBUT
de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier

Documentaire, 1 h 35

La bougie vient d’être allumée. Le silence se fait progressivement, les petits corps se mettent au calme et les regards se tournent vers la maîtresse. Avec un brin de mystère qui sied bien aux choses de l’esprit, l’« atelier philosophie » va pouvoir commencer…



Ils s’appellent Abder hamène, Louise, Shana ou Yanis, ils ont entre 3 et 4 ans et sont élèves à l’école maternelle Jacques-Prévert du Mée-sur-Seine (Val-de-Marne). Hauts comme trois pommes, ces enfants ne connaissent pas encore le mot, ils en reconnaissent déjà le besoin : poser des questions, chercher des réponses, parler et s’écouter, progresser dans la compréhension de la vie.
Tourné sur deux ans dans une école de ZEP, le film de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier est un ouvrage délicat, qui porte un regard tendre et bienveillant sur ces petits d’homme.



Le montage, sans voix off, reflète la progression de leurs questions, ces paroles libres et inattendues, déjà très personnelles, que les enfants partagent : « Peut-on mourir les yeux ouverts ? » « Est-ce que ça rend heureux, de faire des enfants ? »
Si les mots sont essentiels, c’est aussi par les silences que le film donne à voir la pensée au travail. Il sait s’attarder sur les visages, les regards perplexes, les signes d’incompréhension. « Mener ces ateliers a modifié mon regard sur les élèves et sur ma pédagogie », témoigne Pascaline Dogliani, professeur des écoles, qui est au cœur de cette aventure avec sa classe.

Le film insiste aussi sur l’importance de ce qui se joue à la maternelle : « L’appropriation du langage, l’écoute, le sens de la parole, note Isabelle Duflocq, la directrice de l’école. L’institution nous a laissés faire. Nous avons même reçu quelques encouragements… »

Élodie MAUROT



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Désobéir au Travail

en partenariat avec la MJC Martigues

Jeudi 10 Février 20h30


Soirée animée par
Agathe Dreyfus et Christine Gabory
Membres du Collectif
360° et même plus
et
Robert Mencherini
Historien du Mouvement Ouvrier




Remue ménage dans la sous-traitance

Ivora Cusack

France, 2008, 1h10

À Paris en mars 2002, des femmes de chambre employées par la société Arcade pour travailler dans les hôtels Accor, se mettent en grève. Leurs revendications principales : la baisse des cadences de travail et le paiement de toutes les heures travaillées. La plupart des grévistes sont des mères de famille d’origine africaine qui vont pour la première fois lutter pour leurs droits.
Après un an de lutte, elles sortent victorieuses… Mais en mai 2004, la déléguée syndicale qui avait joué un rôle prépondérant dans la grève, est licenciée. La lutte reprend autour d’elle.

Tourné sur une période de plus de quatre ans, ce film brosse un tableau de luttes où, avec peu de moyens, mais une volonté tenace, des individus bousculent la loi de la soumission qui règne dans le monde du travail.

Le film est euphorisant. Euphorisant politiquement d'abord, car il démontre que le combat est possible, avec peu de moyens, mais avec la rage de vaincre, de combattre, et l'envie de résister aux nuisances des patrons. Euphorisant aussi humainement parlant, de voir dans l'action et dans la durée, la résistance de ces femmes, souvent mères de famille d'origine africaine, découvrant le sens du combat collectif.





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INCENDIES de Denis Villeneuve
Film québécois, 2 h 10
L’exil emporte toujours avec lui sa part de secrets, ses zones d’ombre et de silence. L’éloignement géographique et le passé arraché entraînent des douleurs que les migrants gardent en eux. Le jour où, à Montréal, un notaire lit aux jumeaux Jeanne et Simon Marwan le testament de leur mère Nawal, subitement enfermée dans un mutisme dont elle n’était plus sortie, ils comprennent que le mystère de leur naissance sera dévoilé au terme d’une mission qu’elle leur confie post-mortem.

Jeanne reçoit une enveloppe à remettre au père qu’ils croyaient mort ; Simon une autre pour un frère dont ils ignoraient l’existence. Jeanne accepte ; Simon se rebelle. Il se braque contre cette mère distante, qu’il n’a jamais comprise. Mais le notaire qui va les accompagner, proche de cette femme, lâche cette vérité universelle : « La mort n’est jamais la fin d’une histoire. »
Du fond de sa tombe, Nawal transmet à ses enfants le poids qui l’a écrasée et dont ils doivent se libérer. Sur leur chemin, quelqu’un les prévient : « Parfois, il vaut mieux peut-être ne pas tout savoir. » En cherchant leur père et leur frère, les jumeaux découvrent qu’ils ne connaissaient ni leur mère ni sa terrible histoire. Désormais, ils doivent savoir.
Pour démêler le mystère de leur naissance, ils remontent vers les sources de leur passé familial et pénètrent dans le labyrinthe d’un pays en guerre, si loin d’eux, où les destins, comme un sinistre jeu de cartes, sont battus et rebattus, au hasard d’un arbitraire terrifiant.
Mais la révélation, après un long voyage intérieur qui va du Québec à un pays jamais nommé du Moyen-Orient, aura l’effet dévastateur d’une tragédie antique qui possède la puissance des mythes et se situe véritablement à cette hauteur.



Adapté de l’un des volets de la très belle et très forte trilogie théâtrale du dramaturge québécois, Wajdi Mouawad, né au Liban, qui avait embrasé le Festival d’Avignon en 2009 (Littoral, Incendies, Forêts), le film de Denis Villeneuve s’empare du sujet à cette altitude symbolique.
Villeneuve renforce sa singularité dans le cinéma québécois
Mais il se trouve contraint, par son mode d’expression, de traduire cette fable des origines de manière réaliste, là où l’auteur, sur l’espace de la scène, déployait un récit stylisé, qui attisait l’imaginaire du spectateur.
Denis Villeneuve relève le défi qui consistait à se saisir de l’univers et des mots de Mouawad. Il y affirme sa propre vision pour traduire le réel implacable, la psychologie tourmentée des personnages et la force du destin inséré dans des paysages qui en composent aussi la partition.
Le jeu de ses acteurs (Rémy Girard, Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, avec des comédiens irakiens et jordaniens), soutient, de bout en bout, l’ampleur de son ambition.

Incendies a été choisi pour représenter le Canada dans la catégorie « meilleur film étranger » aux prochains Oscars.

Jean-Claude RASPIENGEAS





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Le travail de JR lui ressemble à 100% : optimiste, jovial. Et d’une prodigieuse énergie, contagieuse : chaque moment passé avec ce jeune homme extrêmement sympathique vous donne des ailes. Le temps que vous consacrerez (une heure et demie) à son film, Women Are Heroes, en salles ce mercredi, procure le même effet.

Pêche. JR voit tout en grand, monumental, et pourtant éphémère, ponctuel. Ses gigantesques photos dont il tapisse les murs, les toits, les trains de tant de villes de la planète sont esthétiquement superbes, mais surtout intelligemment subversives. Et le film qu’il a réalisé à partir de toutes ses expériences «picturales» est un modèle de documentaire artistique et politique tout à fait singulier dans le paysage de cet exercice cinématographique.



Rater Women Are Heroes serait une grave erreur. D’abord parce que ce film donne la pêche, ce qui n’est pas très fréquent par les temps qui courent. Ensuite parce qu’il est surprenant, sur le fond et la forme, et que les surprises sont toujours très vivifiantes. Enfin parce que le «message» de ce documentaire est nouveau, notamment dans son écriture, à contre-courant de ce qui se fait, se dit habituellement. Il y est question de femmes en situation de détresse, au moins de très grande pauvreté, qu’on ne nous montre jamais en victimes fatalement abattues ou désarmées, mais tout au contraire combatives, dynamiques, incroyablement vivantes. Au sens littéral : elles aiment la vie, leur vie, que d’autres cinéastes auraient décrite comme calamiteuse, forçant le spectateur à la compassion.

Le film commence par une scène qu’on ne comprend pas immédiatement : la caméra filme, en plan très proche, le visage et les seins nus d’une femme noire, les yeux mi-clos, qui ne peut réprimer de longues plaintes. Pas vraiment joyeux, pensez-vous. A tort, car soudain les cris d’un nouveau-né emportent les gémissements de la femme, sa mère. La caméra de JR vient de filmer, avec une infinie délicatesse, un accouchement, quelque part en Afrique. Pauvre, forcément pauvre… Sans transition, une favela de Rio de Janeiro, la favela Mono da Providencia, de sinistre réputation : la violence est ici la règle. Les femmes qui racontent leur vie, parfois leur survie, sont pourtant impressionnantes de vaillance : elles n’entendent pas quitter leur maison de fortune, elles ont tissé des réseaux solidaires, elles veulent éduquer leurs enfants.



Dignité. Sur une musique pulsante de Massive Attack, la caméra court sur les sentiers de la favela, on aperçoit çà et là les immenses photos de JR collées sur les murs lépreux. Des photos de ces femmes-là, leur regard rieur, leurs grimaces en clins d’œil facétieux. Au Cambodge ensuite, dans un bidonville voué à la démolition, d’autres femmes énergiques disent qu’elles ne partiront pas. En Inde, Shanti, une superbe dame aux cheveux blancs retenus en chignon, assise en tailleur dans une ample robe orange, décrit, hilare, comment elle a terrorisé les hommes de son quartier qui s’apprêtaient à la violer parce qu’elle était d’une caste inférieure. Son rire, communicatif, dit plus que tout la dignité de cette femme, toujours restée maîtresse des situations franchement cruelles qu’elle a traversées. L’on reste médusé devant tant de courage qui ne dit son nom, comme s’il n’était pas d’autre choix. Et l’on se souvient d’un livre formidable, Dans la ville des veuves intrépides (Belfond, 2008), où l’auteur, le Colombien James Cañón, avait le même parti pris que celui de JR : dans un village soudain vidé de ses hommes, enrôlés de force par les guérilleros, les femmes jusqu’alors passives prennent les choses en main, transforment les rôles et les relations humaines.

Les esprits chagrins diront que c’est un peu simpliste de s’obstiner ainsi à montrer la lumière plutôt que l’obscurité là où vivre relève souvent du défi. Tant pis pour eux, et tant mieux pour ceux qui préfèrent voir le verre à moitié plein.
BÉATRICE VALLAEYS

Extrait (Kenya)




Bande annonce :




SITE du FILM :




JR, né le 22 février 19831, est un artiste contemporain français. Il expose ses photographies dans la rue, qu'il qualifie de « plus grande galerie d'art au monde »2. Son travail mêle l’art, l’action, traite d’engagement, de liberté, d’identité et de limite3. Il est présenté par Fabrice Bousteau comme « celui que l'on nomme déjà le Cartier-Bresson du xxie siècle »4.

SITE OFFICIEL de JR :




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Une voiture s’avance dans le désert brûlant. Elle s’immobilise, le coffre s’ouvre, un type en sort. Il débite un monologue face caméra, puis repart. De l’autre côté, une bande de spectateurs venus on ne sait d’où. Munis de jumelles, ils sont venus assister à un spectacle, mais de quoi s’agit-il exactement ? Au loin, quelque-chose bouge : un pneu, semble-t-il, qui démarre sa route et fait exploser tout ce qu’il trouve : des objets, des animaux, et puis des gens. Une jeune fille passe en décapotable. Notre pneu est amoureux : gare à ceux qui se mettront sur son chemin...



C’est n’importe quoi ? C’est pourtant le second film de Quentin Dupieux, musicien électro qui, au début du XXIe siècle, a cassé la baraque avec un tube ultra-minimaliste "interprété" par une marionnette (en réalité, un gant de toilette jaune avec des bras et des yeux) sous le doux nom de M. Oizo. Une célèbre marque de jean’s en a fait son égérie, les euros ont coulé à flot, mais Dupieux a rapidement tourné la page : la réalisation étant apparemment sa véritable passion, il signe en 2006 sous son vrai nom un film ambitieux mais raté pour le tandem Eric & Ramzy, Steak (après un moyen-métrage désopilant, Norfilm). La presse est partagée (certains crient au navet, d’autres au génie naissant), le film est un échec public : qu’à cela ne tienne, puisque Dupieux lui-même est moyennement convaincu par ce premier essai. Rubber est donc le second, beaucoup plus humble dans ses moyens et donc nettement plus libre d’aller où bon lui semble. Présenté à Cannes cette année, le film bénéficie d’un bouche-à-oreille limite hystérique : la rumeur est née, le statut de film culte tout prêt à lui être décerné.



Pour une fois, la rumeur n’est pas exagérée : Rubber a l’intelligence de prendre beaucoup de soin à raconter une histoire qui ne veut rien dire. Ce qui ne signifie pas que ce road-movie existentiel et réflexif n’est qu’un exercice de style aussi beau que vain : aussi étonnant que cela puisse paraître, on finit par s’attacher à ce pneu sanguinaire et solitaire doté d’une âme pourrie, mais capable de tuer par amour. Dupieux puise un peu partout dans l’univers du cinéma bis, du plus élégant (Cronenberg bien sûr, de Scanners à Crash, mais aussi Lynch et Craven) au moins avouable (la série des Chucky) et parvient néanmoins à signer un film authentiquement personnel, en parfait équilibre entre la farce branchée à deux doigts du happening et la série B post-moderne à la Scream qui joue sur tous les tableaux : l’ironie mordante comme le premier degré angoissant.



Impeccablement filmé (avec un appareil photo numérique !), Rubber n’a pas la prétention d’être autre chose que ce qu’il est mais Quentin Dupieux parvient à imposer un ton résolument unique, une ambiance où l’absurde apparaît aussi anxiogène que désopilant, où les personnages ont conscience de leur statut de pure fiction mais s’étonnent de devoir mourir, et où les objets sont dotés d’une conscience qui les pousse à accomplir le laid pour obtenir le beau. Pas mal, pour un film qui raconte l’histoire d’un pneu qui fait exploser des têtes. Fabien Reyre



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Diego Luna, acteur et producteur mexicain, après un documentaire sur la boxe en 2007, vient de réaliser Abel, son premier film de fiction, autour de la figure du père. De main de maître.

Diego Luna est une personnalité de la scène mexicaine. La trentaine, ami de Gaël Garcia Bernal et de John Malkovich, producteurs d’Abel, Diego est un enfant de la balle. Orphelin de mère à deux ans et fils du célèbre scénographe Alejandro Luna, il « naît » acteur. « Le théâtre est un lieu parfait, dit-il, j’y ai trouvé d’office une sorte de famille au sein d’un grand jeu imaginaire. »

Diego Luna est remarqué internationalement lorsqu’il reçoit le prix Marcello Mastroianni, à Venise en 2001, pour son rôle dans Y tu mamá también, d’Alfonso Cuarón, aux côtés de Gaël Garcia 
Bernal. Par la suite, il joue, entre autres, pour Spielberg et Gus Van Sant. Lorsque, en 2007, il réalise un documentaire sur un champion de boxe mexicain, J.-C. Chávez, il s’aperçoit « au fil du tournage que c’est surtout la relation avec son fils qui apparaît ». D’ici à l’histoire d’Abel, il n’y a qu’un pas.


Construit en collaboration avec un ami d’enfance, Augusto Mendoza, le personnage d’Abel est un petit garçon de neuf ans qui vit seul avec sa mère dans une maison ressemblant à celle de Psychose, version colorée s’il en est. Face à l’absence du père, Abel décide de le « remplacer » non seulement auprès de sa mère, mais aussi de sa sœur aînée et de son petit frère. « Pour moi, c’est une manière à la fois d’évoquer combien le rôle d’une mère est essentiel dans la vie d’un enfant et, de façon inversée, de rendre hommage à la responsabilité de mon père, qui m’a élevé seul. »



Bien qu’Abel soit réalisé sur le ton de la fantaisie, soit une « fabula », il est profondément ancré dans la réalité sociale mexicaine. « Au Mexique, la majorité des pères ont disparu aux États-Unis en abandonnent quasiment leur famille pour en refaire une autre ailleurs. Lorsqu’ils en sont 
rejetés, ils réapparaissent. Ce qui fait d’eux des êtres irresponsables, en fuite permanente. » Métaphoriquement, la maison d’Abel représente l’état du pays, et sa fréquentation des hôpitaux psychiatriques, la condition de ses enfants abandonnés. Mais Abel reste un film troublant, une sorte de rêve fantastique. En tordant le cou à la réalité, Diego Luna s’appuie sur le genre qu’il a précisément choisi pour dire la sienne. Abel est passé de l’autre côté du miroir, sa maison change de style selon son humeur…



Mais c’est le jeu des acteurs, la direction des enfants acteurs, qui fait sens. Et Diego Luna est maître en cette matière. « Le documentaire est un bon tremplin pour trouver sa voie mais je me sens plus à l’aise dans la fiction. Je peux y utiliser mon expérience d’acteur. Je sais comment faire qu’un acteur rende son personnage vivant et crédible. » Diego Luna, acteur au théâtre comme au cinéma, producteur, fait montre avec sa première réalisation d’une belle sensibilité d’être passionné. Michèle Levieux

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Le no man’s land en question est un chanteur. Connu. Blond. Prénom : Philippe. Un peu glam’, avec des tenues de scène pailletées, outrancières. Etranger au bon goût comme à la mesure. Au sortir d’un concert dans la région de son enfance (où il n’a pas mis les pieds depuis cinq ans), Philippe se laisse entraîner dans le salon d’une groupie un peu dérangée. Pour échapper à cette passion, il bat la campagne en pleine nuit et trouve refuge dans une ferme. Il est toujours sapé en pop star décadente et sans doute est-ce pour cela qu’il n’a pas reconnu tout de suite la maison de ses parents, qui se tiennent dans la cuisine et devant lesquels il s’évanouit. Il va rester là, histoire de se reposer. Et quand bien même, s’il voulait reprendre le chemin de sa tournée, la voiture de son père le ramènera toujours devant la place du village. Philippe face à ses fantômes, aimanté par une attraction que l’on soupçonne plus lourde dès qu’il s’agit de revenir chez soi.



Cela mis à part, c’est extrêmement drôle. Non pas le drame mais la comédie d’un type tournant (en rond ?) autour de la quarantaine. Il pensait s’être libéré de ses démons en se réalisant ailleurs, mais une force qui doit porter les noms barbares de «remords» l’a ramené tout droit à son survêtement bleu cinq tailles en dessous dans lequel il a baigné ado. Si vos parents ont gardé certains des vêtements nains qui furent les vôtres, commencez à flipper : c’est peut-être pour vous capturer dedans un jour.



Je suis un no man’s land est une fiction, paraît-il. Particulièrement retorse, puisqu’on aime y reconnaître l’univers «laid-beau» d’un chanteur célèbre (Philippe Katerine) qui est aussi sa propre fiction. D’une certaine façon, c’est ici presque une réalisation : Katerine a façonné depuis vingt ans un personnage piégé de naïf intelligent à l’élégance en tricot de peau, entre la rigolade perverse et la camisole de force. Ce personnage est si familier de Jousse que le cinéaste n’a plus eu qu’à l’emmener chez lui.



Et si Katerine se tenait dans votre chambre et se souvenait de vos parents, de vos vieux potes, de vos rêves d’ados ? Cela ferait des trous, forcément. C’est une première idée de comédie zinzin. La seconde grande idée est d’avoir confié à Katerine la formule de la mise en scène : la surprise, le contre-pied systématique. Le film, en fusion avec son «acteur», est un savant mélange du coloriste Jacques Demy (Jousse est nantais), du naturaliste Pialat (celui de la Gueule ouverte), voire d’un régime général pop (disques Tricatel, clips de Pierre & Gilles). Mais tout ça, égrené, ne dit rien du plaisir infini qui y passe. Je suis un no man’s land est un territoire de cinéma dans lequel on se sent bien.





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Quelle formidable surprise! Du genre qui vous conforte dans l’amour que vous éprouvez pour le cinéma. Voilà un polar qui flirte avec la comédie policière et ose raconter une petite histoire de rien du tout dans une province reculée du Jura, croulant sous des tonnes de neige, avec des personnages de vallée. Un film qui rappelle des plans des frères Coen quand ils sont du côté de Fargo ou parfois de Barton Fink. A l’arrivée, un long métrage superbe, qui prend des allures de production américaine, avec des qualités hautes comme les montagnes.



Et puisqu’il en est question, le cœur de Marilyn Monroe bat sûrement dans le jubilatoire Poupoupidou, réalisé par un cinéaste à peine connu, qui signait, en 2006, Avril, un premier long métrage à moitié réussi. Ici, Gérald Hustache-Mathieu non seulement nous épate, mais il se révèle aussi brillant à la caméra qu’au scénario, avec l’aide de Juliette Sales.



Connaissez-vous Mouthe, le bourg le plus froid de France? Un hôtel digne d’un motel paumé du Nebraska, sa star locale, qui est une Miss météo, ex-égérie d’une marque de fromage, retrouvée morte dans un no man’s land entre la France et la Suisse. Du coup, pas d’enquête, ce qui semble arranger tout le monde, à commencer par le commandant de gendarmerie. Seulement, débarque David Rousseau, écrivain à succès, en panne d’inspiration, convoqué par un notaire du coin après la mort d’un parent. Il écrit des polars, justement. N’ayant eu droit qu’à un chien empaillé en héritage, il s’apprête à repartir quand il croise les pompiers sur la route. Est-ce les cheveux blonds qui s’échappent du brancard, le reportage aux infos locales, le côté pathétique et intrigant de cette mort au milieu de nulle part, le sentiment de tenir un sujet? Rousseau décide de mener son enquête à "la façon d’Ellroy", remontant le fil d’une existence commencée des années plus tôt dans une station-service où Candice servait de l’essence.



Emouvante Sophie Quinton
Cela ne va pas plaire à tout le monde. Commence alors un jeu de miroirs où Marilyn Monroe et la douce Candice se confondent. Même jour de naissance, même cheveux teints, même amours, mêmes emmerdes, espoirs de cinéma, tentatives de suicides, psy… Vous croyez en la réincarnation? Candice oui… C’est toute l’astuce de Poupoupidou, où Sophie Quinton émeut en héroïne fragile et glamour et où Jean-Paul Rouve, bourru, obstiné, pince-sans-rire, nous embarque illico dans une province d’un exotisme absolu. Les seconds rôles sont tous impeccables et les dialogues justes et plein d’humour.


L’ensemble atteint l’excellence et forme un cocktail d’une originalité exceptionnelle, à la fois drôle, tragique et très malin. Sans conteste (ne vous fiez pas à l’affiche ratée) l’un des meilleurs films de ces douze derniers mois, toutes nationalités confondues.
Danielle Attali


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Au-delà
Clint Eastwood



Dans « Au-delà », Clint Eastwood filme trois personnages aux prises avec la mort et le travail du deuil. Résultat : une œuvre au noir somptueux qui dynamite les figures imposées. Chapeau bas, encore une fois.
Cherche-t-il à concurrencer son quasi-contemporain Woody Allen (75 ans) sur son propre terrain prolifique ? Même s'il doit se soucier comme de sa première bière de ce genre de considération, le constat… est incontestable : Clint Eastwood (80 piges) fonctionne désormais comme un métronome : à chaque année son film. En règle générale, par chance, un excellent film.
Il y a deux ans, le cinéaste signait l'un de ses meilleurs titres de la décennie écoulée : « Gran Torino » où il incarnait un vieillard aigri et raciste, in fine frappé par une sorte de grâce humaniste. L'an passé, il dirigeait son acolyte Morgan Freeman et l'excellent Matt Damon dans « Invictus », un biopic (un rien académique) consacré à Mandela.
Alors qu'il s'apprête à tourner « Hoover », une fiction sur celui, qui, 48 années durant, régna sur le F.B.I, Clint Eastwood présente aujourd'hui son cru 2011 : « Au-delà », un film d'une audace folle qu'il était probablement le seul à pouvoir tourner sans foncer droit dans le mur du ridicule et du grand-guignol.



Trois bonnes raisons d'être mal
Paris. Une journaliste-star de la télévision (baptisée, on ne rit pas, Marie Lelay) ne parvient plus à être à la hauteur de sa réputation et de son ego depuis qu'elle a échappé de peu à la mort dans l'Asie ravagée par le tsunami. L'héroïne (Cécile De France) est rongée par une obsession : comprendre ce qui s'est passé dans son âme quand elle a cru sa dernière heure venue.
Londres. Un gamin, inconsolable depuis que son frère-jumeau est passé de vie à trépas, refuse l'évidence et cohabite avec l'ombre du défunt chaque minute de son existence morose.
San Francisco. George (Matt Damon) gagne sa vie depuis des lustres en exploitant la misère des autres. Doté de mystérieux pouvoirs de médium, il ne supporte plus ses « talents » occultes et s'enferme dans la solitude et la dépression.
« Au-delà » raconte les histoires de ces trois personnages fâchés avec les autres, la socialisation, l'existence…



Réel et surnaturel : le match
Sur le papier, le projet eastwoodien ne promettait rien de palpitant. Toutes les mauvaises conditions semblaient même réunies pour un défilé de poncifs pseudos new-age, de considérations pesantes sur « la vie après la mort » (bâillements) et de surenchères visuelles overdosées de revenants anxiogènes et de visions psychédéliques.



Eastwood, même s'il s'autorise quelques écarts assez maladroits dans le segment français de son triptyque (le moins convaincant), dynamite toutes ces figures mal imposées. L'homme de « Bird » et d'« Impitoyable », entre autres monuments, ne cherche pas à fureter dans les régions obscures de l'« au-delà » qui donne son titre au film, mais reste obstinément campé sur le passionnant plancher des vaches. Au plus près de ses trois personnages qui, tant mal, que bien doivent composer avec le deuil, la solitude, un mal-être du genre conséquent.
Les seuls fantômes du film sont intérieurs et, ce faisant, bien plus sournois. Eastwood, plus sobre et crépusculaire que jamais, met en scène les non-arrangements de ses protagonistes avec la vie et la mort et invite à une méditation à la fois douce et anxieuse sur la résilience.



Maîtrise totale
Un tantinet embarrassé quand il s'agit de mettre en scène (de surcroît en français) les déambulations de sa journaliste dans le microcosme des médias parisiens, le cinéaste filme par contre avec une élégance suprême ses protagonistes anglais et américains.
Quand il suit à la trace le gamin londonien affligé par la perte de son frère, Eastwood, toujours à bonne distance, évite le pathos, la sensiblerie et enregistre l'obstination butée de celui qui n'accepte pas l'inacceptable.


Filmer les enfants est l'un des exercices cinématographiques les plus périlleux. Chez Eastwood, pas de grands discours ou d'essorage de mouchoirs, mais des images où se mêlent discrétion et évidence. Ainsi ce plan récurrent sur la casquette du défunt, sorte d'objet transitionnel qui raconte l'indicible. Le portrait du gosse n'en est que plus sensible, à la fois bouleversant et cocasse quand ledit gamin doit affronter toute la cavalerie des charlatans (dont des curés) qui lui promettent un meilleur destin à leurs côtés.
Même élégance quand Eastwood filme son médium fâché avec le monde à San Francisco. Dans les cours de cuisine où il drague maladroitement une fille tout aussi perdue que lui où dans son appartement de célibataire où il se noie dans sa solitude, George, mutique, fragile, flotte à la surface des vivants et pense à autre chose.
Les personnages entrecroiseront (peut-être) leurs parcours respectifs à l'heure du final, mais finalement quelle importance ? Pendant deux heures, Eastwood, fidèle à sa manière elliptique et « fordienne », comme on a raison de le dire, aura déambulé dans des zones indécises et profondément humaines que le cinéma n'arpente que très rarement. Vite, un autre film.
Olivier De Bruyn (Rue 89)

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