Programme du 15 septembre au 19 octobre 2010







Grille Horaires





*************************************

Oncle Boonmee

Apichatpong Weerasethakul




Film programmé
du 15 au 21 septembre et
du 13 au 19 octobre


Séance Débat animée par
Nicolas FEODOROFF
le 21 septembre à 20h30


Quelle joie ! Une joie, il faut bien le dire, à laquelle les palmarès cannois ne nous ont guère accoutumé, tant on y décèle souvent de calcul, ou de volonté de consacrer des valeurs déjà établies (souvent pas avec leur meilleur film). Rien de tel cette fois : un choix clair et net, en faveur d’œuvres de cinéma singulières, et ô combien différentes entre elles. Qui aura suivi les chroniques de ce blog sait combien j’avais aimé, et espéré retrouver au palmarès Tournée de Mathieu Amalric, Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun, Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, Copie conforme d’Abbas Kiarostami et ce qu’y accomplit Juliette Binoche. Autant de films qui, chacun à sa façon, inventent leur propre forme, tentent des aventure du récit et de la mise en scène, pour mieux approcher du monde tel qu’il est, tel que nous le vivons et le rêvons.

Mais qui aurait pu imaginer que ce choix serait couronné par la plus radicale et la plus légitime des plames d’or, à l’Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul ? Tout nous réjouit dans cette récompense, donnée à un film magnifique, cinquième long métrage d’un des artistes les plus importants de ce début de siècle.



Et encore, tiens : elle est bienvenue, cette Palme, parce que les Occidentaux ont du mal à prononcer ce nom, Apichatpong Weerasethakul. Comme disait Brassens, tout le monde peut pas s’appeler Durand, ou Smith, il y a quelque chose d’effrayant à lire (dans Le Journal du dimanche) qu’on surnommerait Apichatpong « chapi-chapo », pourquoi pas Bamboula plutôt ? Etre au monde, dans ce monde, c’est aussi apprendre le nom des autres, et s’y confronter si c’est une difficulté, avec respect et humilité si on n’en est pas bien capable plutôt qu’avec cette arrogance goguenarde de colonisateurs jamais vraiment départis du sentiment de leur supériorité...

Jean Michel Frodon

EN SAVOIR PLUS
Dossier complet sur:
"Retour sur Image"

articles, photos, vidéos...



(Cliquez sur l'image)

*********************************



Ciné-Bistrot-Philo
Spécial Journées du Patrimoine

Jeudi 16 Septembre 18h30

Faut-il toujours lire La Princesse de Clèves ?

Soirée animée par Vladimir BIAGGI philosophe et écrivain.
(Débat 18h30, Buffet 20h00, Film 21h00)

En partenariat avec la MJC, la Médiathèque Louis Aragon, la Librairie l’Alinéa.
Tarif (Buffet Compris) 8 euros, Adhérents : 7 euros

Le roman de Madame de La Fayette a été au centre d’une polémique suscitée par les propos ironiques du Président de la République. Cette œuvre est-elle vraiment le symbole d’une culture élitiste, inutile et désuète ? Au-delà de cette controverse, on peut s’interroger sur la fonction de la littérature et sur la place du patrimoine culturel dans la société actuelle. Nous vous invitons à venir débattre de ces questions et à lire ou relire la Princesse de Clèves (et découvrir quel est son lien avec Martigues).
«… L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle ! En tout cas, je l’ai lu il y a tellement longtemps qu’il y a de fortes chances que j’aie raté l’examen ! » Nicolas Sarkozy



La Belle Personne
Christophe Honoré, France, 2008, 1h30
Avec : Léa Seydoux, Louis Garrel, Grégoire Leprince-Ringuet, Anaïs Demoustier…
Je vous préviens, je vais parler de moi. De mon fils, plus exactement, qui, l'année dernière, en classe de seconde, a lu La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette. En deux mots, le livre l'a ennuyé. D'ailleurs, il m'en parle souvent, plus souvent que de certains romans qui lui ont plu. Ce qui me donne à penser que l'ennui est bien proche de l'intérêt, voire de la passion, pour peu qu'on lui enlève ces habits dont parfois les adolescents le vêtent et qui ont à voir avec la pudeur, le souci de singularité et la fabrication de soi.
La dernière fois que mon fils m'a parlé de La Princesse de Clèves, c'était en sortant de la projection de La Belle Personne, de Christophe Honoré, adaptation moderne et lycéenne de ce roman, où la jeune Junie, aimée par son camarade de classe Otto, tombe sous le charme de son prof d'italien, Nemours, qui lui rend cet amour interdit. M'avouant qu'Honoré avait largement respecté le texte d'origine - il s'en souvenait donc à ce point ! - mon fils achevait la conversation en plaçant ce film parmi ses favoris de l'année.
Il faut voir dans cette affection l'effet miroir d'un âge où toutes les amours sont possibles, et les peines également, où les questions qui entourent les sentiments ne trouvent souvent leurs réponses que dans des actes dont le romanesque échappe encore à ces adolescents.
C'est ce que filme magnifiquement Honoré. Et le temps qui me sépare, moi, comme vous, comme d'autres, de cette époque où tout se vit dans la découverte s'est soudain comblé. Cette Princesse de Clèves, dont Nicolas Sarkozy estima qu'elle était poussiéreuse et tellement vieille qu'on se devait de la laisser reposer, est bien d'aujourd'hui. Car elle parle de l'amour, qui, lui, est de toujours. Eric Libiot


*********************************




Un film qui dépote...!

«Très très fort !» Le cri de ralliement du Staff Benda Bilili, un groupe d’éclopés de Kinshasa qui a décidé d’être «l’orchestre de handicapés le plus connu dans le monde», a quelque chose de contagieux. Leur rumba hypnotique file une pêche d’enfer et donne envie de danser. Avec ce documentaire, tourné dans des conditions aussi rock’n’roll que l’esprit qui anime ses personnages, on apprend que, même en partant des bas-fonds de l’une des villes les plus déglinguées d’Afrique, on peut s’en tirer, à force de volonté.



Renaud Barret et Florent de La Tullaye, deux Français raides dingues de Kinshasa, y ont filmé compulsivement, à partir de 2004, l’incroyable histoire du Benda Bilili (un nom qui signifie «Au-delà des apparences» en lingala, la langue dominante à Kinshasa). Où l’on découvre Ricky, le meneur du groupe, qui, du haut de son fauteuil roulant-mobylette, s’autoproclame «Papa des enfants de la rue» et convoque ses troupes pour d’improbables répétitions dans le zoo de la capitale, en compagnie des criquets, des crapauds, mais aussi de son public : les orphelins, les bandits et les prostituées. On découvre aussi Roger, un adolescent qui crève l’écran. A 13 ans, il tire des sons remarquables de son petit instrument, une guitare à une corde fabriquée à partir d’un bout de bois et d’une boîte de lait en conserve. Les réalisateurs le présentent au Staff Benda Bilili : voilà que Ricky, le chef, le prend sous son aile. Mais les aléas de la vie et un incendie font qu’on perd Roger de vue. On le retrouve à 15 ans, transformé, habillé en rappeur, clope au bec et génie musical intact. Puis on assiste à son envol, sur les scènes d’Europe.


«Pots de mayonnaise». Ce film qui dépote n’est pas le premier essai des deux réalisateurs, qui ont déjà signé deux documentaires, la Danse de Jupiter (2006) et Victoire Terminus (2008) le premier sur la musique, le second sur des femmes boxeuses, les deux à Kinshasa. Florent de La Tullaye, reporter-photographe et Renaud Barret, ex-publicitaire, tous deux quadras, amis de longue date, ont tourné ensemble une page importante de leur vie, en décidant, en 2004, de travailler dans la capitale de la République démocratique du Congo. Ils y ont fondé leur maison de production, La belle Kinoise, et y passent désormais la moitié de leur temps. Fort de cet exil africain, ils ne cachent pas leur désabusement sur l’état de la société française : «Il y a ce côté geignard, négatif, psychanalytique, des gens qui ne se font pas confiance, qui se regardent le nombril, qui se mettent en grève pour un oui ou pour un non, dans une ambiance qui finit par vous imprégner», explique Renaud Barret. Il avoue s’être demandé un jour s’il n’avait pas «plus important à faire, dans la vie, que des logos pour des pots de mayonnaise». Florent de La Tullaye, lui, avait fait son choix depuis longtemps, prenant le parti «d’aller voir ailleurs» avec son métier de reporter : «J’ai travaillé en Russie, en Sibérie, en Asie.Chaque fois que je rentrais à Paris, il y avait une sorte de grisaille, même au printemps. Quelque chose qui n’allait pas. Des gens coincés dans leur solitude.»


Tout est parti de l’un de ses reportages photo, fait en 2003 à Goma, dans le Kivu. Au retour, Florent de La Tullaye passe une semaine à Kinshasa, une ville qui le fascine d’entrée de jeu. Il visite notamment l’Académie de musique, dont il repère l’absurdité mêlée d’espoir, avec des élèves sous la pluie, en uniformes, déterminés à apprendre, malgré l’indigence de leur école. Germe alors une idée de documentaire. «Nous avons acheté des caméras, commencé à tourner partout et rencontré énormément de musiciens, dont le Staff Benda Bilili», explique Renaud Barret. Les deux copains se mettent à filmer en immersion totale.



Benda Bilili ! se concentre sur l’orchestre et son épopée, ses répétitions, les séances d’enregistrement, jusqu’à la première tournée en Europe. On sent les pulsations de la ville, «l’apocalypse discrète qui se passe en arrière-plan», notent les auteurs, mais sans commentaires. Ici, pas de voix off qui donnerait du contexte et poserait un regard de Blanc en train de découvrir sa part d’Afrique. Pas de quart d’heure pédagogique, non plus, pour expliquer qui fait quoi au Congo-Kinshasa et pourquoi la capitale se trouve dans un tel état de délabrement. Les réalisateurs, débarrassés de complexes, n’ont pas d’idées toutes faites sur l’Afrique, une notion qui sonne d’ailleurs un peu creux à leurs oreilles. Ils ne sont ni dans l’optimisme béat de la «sagesse sous le manguier» ni dans le pathos absolu ou l’afropessimisme. A Kinshasa, la ville chaudron qu’ils adorent, parce qu’elle brasse 450 ethnies et autant de musiques, ils ont simplement eu la chance de tomber sur Ricky, personnalité inspirée mais aussi «extrêmement roublarde», affirme Renaud Barret. «Il a trouvé assez drôle de voir deux abrutis de Blancs avec leurs caméras. Sachant qu’il a dépassé l’âge limite de l’espérance de vie au Congo, qui plafonne à 45 ans, il s’est dit : c’est eux ou personne !»


Rock dans l’âme, fascinés par la musique et l’énergie que dégage Kinshasa, les deux documentaristes expliquent comment les Congolais, minés par les problèmes de survie, ont cet art de choisir leur folie douce pour ne pas sombrer dans la vraie et pure démence. «En République démocratique du Congo, l’islam n’a jamais traversé la grande forêt. On se trouve au cœur du paganisme et de l’animisme. Ici, les églises ne sont qu’indicatives. En fait, il n’y a pas de limite dans la créativité des gens, parce que le paganisme donne un schéma mental qui permet toutes les explorations.» Prochain projet de film : suivre des pygmées des villes qui retournent au village, au plus profond de la forêt.
Sabine Cessou


*********************************



Des Hommes et des Dieux
Xavier Beauvois

Le 26 mars 1996, durant le conflit qui oppose l'Etat algérien à la guérilla islamiste, sept moines français installés dans le monastère de Tibéhirine, dans les montagnes de l'Atlas, sont enlevés par un groupe armé. Deux mois plus tard, le Groupe islamique armé (GIA), après d'infructueuses négociations avec l'Etat français, annonce leur assassinat. On retrouvera leurs têtes, le 30 mai 1996. Pas leurs corps.



L'affaire eut un énorme retentissement. En 2003, à la faveur d'une instruction de la justice française, des doutes sont émis sur la véracité de la thèse officielle. En 2009, à la suite de l'enquête du journaliste américain John Kiser et des révélations de l'ancien attaché de la défense français à Alger, l'hypothèse d'une implication de l'armée algérienne est avancée.



Le film surprend, au sens où il défie les attentes. On pouvait imaginer un état des lieux du post-colonialisme, une évocation de la montée des intégrismes, une charge politique sur les dessous de la guerre. Or Xavier Beauvois nous emmène ailleurs, et signe un film en tous points admirable.



Le film est tourné de leur point de vue, et partant, de celui d'un ordre cistercien qui privilégie le silence et la contemplation, mais aussi le travail de la terre, la communion par le chant, l'aide aux démunis, les soins prodigués aux malades, la fraternité avec les hommes. C'est de cette exigence spirituelle que le film veut rendre compte, de ce sentiment pascalien de la finitude de l'homme, de l'ouverture à autrui qu'il implique.

Sa lenteur, son dépouillement, sa fidélité au rituel de la communauté, la connivence partagée avec leurs frères musulmans, la beauté déconcertante du paysage (le monastère a été reconstitué au Maroc), sont pour beaucoup dans la réussite de cette ambition. La troupe d'acteurs, d'une remarquable justesse (parmi lesquels Lambert Wilson et Michael Lonsdale), donne corps à ces antihéros refusant de se rendre à la raison du monde tel qu'il est.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection du film, mardi 18 mai, Lambert Wilson a livré une information sur sa préparation qui permet d'expliquer cette justesse: "Curieusement, cette fusion qu'ont ressentie les moines, nous l'avons aussi vécue. Nous avons fusionné dans les retraites et fait des chants liturgiques. Le chant a un pouvoir fédérateur."



Puis vient l'heure de la crise, de la mise à l'épreuve. Le hideux visage de la terreur se rapproche, des ouvriers croates sont égorgés non loin de là. Elle finit par frapper à la porte du monastère, une nuit de Noël. Les terroristes sont à la recherche d'un médecin et de médicaments pour leurs blessés. Les moines refusent de se déplacer mais accepteront de soigner les blessés dans l'enceinte du monastère. Une scène capitale a lieu ici : la poignée de main entre le prieur de la communauté (Wilson) et le chef des terroristes.

Ce geste opère un rapprochement entre deux extrêmes irréconciliables de la conviction mystique : la conquête des esprits par la violence et le sacrifice de soi-même pour l'exemplarité de l'amour. C'est au cheminement héroïque des moines vers ce second terme qu'est consacrée la majeure partie du film. Refusant l'aide de l'armée, préservant la fraternité avec la population locale, surmontant leur peur et leurs divisions internes, les moines prendront à l'unisson, comme dans le chant qui les rassemble, la décision de rester.



Quelques scènes magnifiquement inspirées ponctuent cette lente montée vers le martyre. La lutte visuelle et sonore entre l'hélicoptère vrombissant de l'armée et le chant des frères rassemblés. Ou encore cette bouleversante série de travellings sur les visages des moines, à l'issue de la décision qui engage leur vie, accompagnée par le déchaînement lyrique du Lac des cygnes de Tchaïkovski. Il fallait oser ce plan digne de Dreyer et de Pasolini, au risque de la boursouflure, du credo béni-oui-oui. Beauvois a osé, et il a bien fait.
Jacques Mandelbaum



Né en 1967 dans le Pas-de-Calais, Xavier Beauvois a réalisé Nord (1993), puis N'oublie pas que tu vas mourir (Prix du jury à Cannes et prix Jean Vigo, 1995), Selon Matthieu (nominé au Lion d'or à Venise, 2001), Le Petit Lieutenant (2006).



Le film s'annonce "librement inspiré" des événements de Tibéhirine. Quelle y est la part d'invention ?

Je me suis beaucoup documenté avant de le faire. J'ai passé du temps dans une abbaye, consulté des moines. En fait, tout y est vrai, à commencer par les dialogues, puisés dans les textes laissés par les moines. Les seules inventions sont de l'ordre de la mise en scène. Le film est "librement inspiré" dans la mesure où la masse d'informations dont je disposais m'amenait à un film de quinze heures. J'ai dû faire des choix, éliminer des épisodes, tout concentrer.

Concernant le cadre algérien, que vouliez-vous privilégier ?

Les paysages ! Je suis un contemplatif. J'ai tourné au Maroc, j'ai donc dû trouver des sites qui ressemblaient à l'Atlas algérien. Pour le reste, c'est la réalité des rapports qui m'importait. Et puis, les moines ne sortaient pas beaucoup. Pour moi, c'est un western couscous. Il y a un côté Fort Alamo dans le film ! Lorsque j'ai tourné la scène où les militaires entrent dans le monastère, j'ai diffusé la musique d'Il était une fois dans l'Ouest sur le plateau. Et ça fonctionne !

La mort des moines reste un mystère. Leurs assassins restent non identifiés.

La vérité, il n'est pas certain qu'on la connaisse un jour. Et je ne souhaitais pas avancer une thèse qui risque de se retrouver caduque. Mais le plan de l'hélicoptère suggère que j'opte pour la théorie de la bavure. C'est la plus probable. On n'a jamais retrouvé les corps parce qu'ils n'étaient pas montrables : on aurait vu qu'ils n'avaient pas été égorgés par les terroristes, mais tués par les balles gros calibre de l'armée. De façon générale, j'aime bien le brouillard dans l'Histoire, la politique, le contre-espionnage. Pour être franc, ce n'est pas ça qui m'intéressait le plus. Mais qui étaient ces hommes, comment ils vivaient, ce que c'était que d'être moine en Algérie.

Tous vos films ont une résonance christique. Dans "N'oublie pas que tu vas mourir", il y a ce cours sur le corps sacré de Marie, ces fresques dans une église italienne, cet ange dans l'appartement de Jean Douchet. "Selon Matthieu" (titre explicite) est l'histoire d'une passion au sens religieux. "Le Petit Lieutenant"est une rédemption...



Et il y a la mort au bout, toujours ! Je fais des films sur des sujets que je ne comprends pas très bien. Pour réfléchir. Comme l'explique Jacques Lacan, la mort est la seule certitude, une clé de voûte pour aider à vivre ! Le héros de N'oublie pas... suivait des cours d'histoire de l'art, et s'il faut m'avouer une influence, ce serait celle du Caravage, qui rapprochait les gens divins du peuple. Il peignait le Christ prenant ses repas sur des tables de campagne, et pour figurer des soldats romains, il choisissait comme figurants des paysans. J'aime le côté Pialat de ce peintre, son côté voyou, arnaqueur... en plus de ses clairs-obscurs.

Pourquoi ce titre, "Des hommes et des dieux" ?

Je ne voulais pas faire un film catholique. Plutôt parler de "dieux" au pluriel que d'"un". En ce sens, Le Petit Lieutenant aurait pu s'appeler Des hommes et des flics. Car mes personnages sont d'abord des hommes, des frères, des pères. Des hommes libres, égaux entre eux et avec leurs voisins. Ils ne font aucun prosélytisme, ce ne sont pas des missionnaires. Et au-delà de la question de la foi, mon film suggère qu'il ne faut pas avoir peur de ses voisins. Ni les abandonner. C'est un film sur le refus du compromis.

Comment avez-vous imaginé la scène du "Lac des cygnes" ?

Dans le scénario initial, les moines chantaient Non, je ne regrette rien, d'Edith Piaf ! Pour moi, Piaf, c'était hors de question ! Et puis les moines chantent sept fois par jour, je trouvais plus beau que dans cette scène ils écoutent plutôt de la musique profane. Je fumais un pétard local lorsque j'ai entendu Tchaïkovski sur mon iPhone. J'étais en larmes. J'ai retourné illico la scène avec cet air-là.

J'avais fait attention dans les scènes précédentes de ne pas trop m'approcher des visages, pour ne pas galvauder les gros plans que je réservais à ce repas. Il y a chez moi un mélange de préparation et d'improvisation. Il faut laisser le plateau ouvert à l'inattendu, faire confiance à l'instinct qui surgit sur place. On ne comprend parfois qu'après coup ce qu'on a fait. Tout expliciter n'est pas nécessairement mon rôle. Je suis assez d'accord avec Kurosawa qui disait avoir l'impression, en parlant de son film, de rajouter des pattes au dessin d'un dragon.
Propos recueillis par Jean-Luc Douin


LE CONTEXTE



Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, les sept moines français (photo) de Tibéhirine – un monastère cistercien situé près de Médéa, à 100 km d’Alger, dans les montagnes de l’Atlas – étaient prétendument enlevés. Le 31 mai, les médias algériens faisaient état de la « découverte » de leurs corps. Selon la thèse officielle, ils auraient été « égorgés » par des membres du Groupe islamique armé (GIA), qui avait d’ailleurs annoncé leur mort le 21 mai dans un communiqué.



Une autre thèse se fait maintenant jour, selon laquelle l’armée algérienne est directement impliquée dans le massacre. François Buchwalter, général – à la retraite – de l’armée française, a en effet déclaré le 25 juin dernier au juge d’instruction antiterroriste Marc Trévidic détenir des informations selon lesquelles les moines ont été tués par erreur lors d’un raid aérien de l’armée algérienne.

Pour M. Buchwalter, les moines ont été victimes des armes lourdes embarquées sur les hélicoptères qui ont détruit le bivouac du Groupe islamique armé où les religieux se trouvaient. Les militaires algériens « ont tiré sur le bivouac (…) Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient notamment tiré sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles », précise M. Buchwalter dans sa déposition.

« Sur les circonstances de la mort, nous avons désormais une version très crédible et convaincante », a estimé l’avocat des parties civiles, ajoutant qu’il fallait « poursuivre certaines investigations et auditions ». Rappelons que la guerre civile algérienne a été d’une exceptionnelle violence et que le nombre de civils tués dans les massacres perpétrés dans les villages, aussi bien par la guerilla que par l’armée, est estimé entre 60.000 et 150.000.


*********************************


Film argentin de Julia Solomonoff

En plus de son corps de petite fille qu'elle traîne de mauvaise grâce en attendant l'adolescence, Jorgelina doit trimbaler ce prénom plutôt disgracieux qui la condamne à des diminutifs pour petits garçons. Cette ambiguïté des genres est au centre de ce très joli film argentin qui parvient à ne jamais se départir de sa modestie tout en se déployant en un drame naturaliste plus ample qu'on ne pouvait s'y attendre.



Jorgelina (Guadalupe Alonso) vit à Buenos Aires et passe d'ordinaire ses vacances au bord de la mer. Cet été-là, situé dans un passé déjà lointain, avant le coup d'Etat de 1976 (et en hiver pour nous autres de l'hémisphère Nord), elle se dispute si fort avec sa grande soeur, déjà passée du côté de l'adolescence, qu'elle demande à partir à la campagne dans la ferme que ses parents ont achetée. Elle abandonne définitivement la petite caravane au fond du jardin, la boyita, dans laquelle elle se réfugiait avec sa soeur. Loin de la ville, elle retrouve Mario (Nicolas Treise), un garçon blond un peu plus vieux qu'elle, que ses parents d'origine allemande élèvent à la dure.

Jorgelina se rend bientôt compte que, comme l'aînée honnie qu'elle a abandonnée, Mario est en train de basculer dans le monde des adultes. Mais cette transition-là, parce qu'elle ne se déroule pas selon les normes, est porteuse de conflits et de malheurs. Mario porte un secret dont la petite fille se retrouve détentrice.

Au regard intrigué, curieux et chaleureux que l'héroïne pose sur son ami, Julia Solomonoff oppose l'aveuglement volontaire des parents de Mario. La réalisatrice ne les condamne pas pour autant. Son film a beau avoir été réalisé avec de tout petits moyens, elle parvient à évoquer l'atmosphère d'une époque, au temps où une communauté - les Allemands de la province d'Entre Rios - vivait encore en quasi-autarcie, loin de la modernité de Buenos Aires.



Ces personnages pour lesquels on ressent très vite une vive affection (y compris pour les "méchants", comme Elba, la mère de Mario, à qui l'actrice uruguayenne Mirella Pascual prête son visage triste) vivent cet été sous des cieux immenses, dans une lumière tantôt radieuse, tantôt plombée.

Chaque étape du dévoilement du secret de Mario est mise en scène avec une délicatesse qui n'interdit pas la hardiesse. Aux changements des corps des humains répondent les moments de la vie de la campagne, on voit ainsi le petit garçon découper la carcasse d'un boeuf, et c'est comme si ce geste sacrificiel venait en expiation de sa singularité. Julia Solomonoff égrène aussi d'autres correspondances plus délicates, en filmant le grouillement des insectes, le soleil à la surface de l'eau.



Le naturalisme va souvent de pair avec l'outrance. Julia Solomonoff préfère la minutie, le respect des êtres et de tout ce qui les entoure. C'est ce qui fait du Dernier Eté de la boyita un moment rare. Thomas Sotinel








*********************************




OURS d'OR Berlin 2010

Yusuf a 6 ans, il vit avec ses parents dans un village isolé d’Anatolie.

Pour le petit garçon, la forêt environnante est un lieu de mystère et d’aventure où il aime accompagner Yakup, son père apiculteur. Il le regarde avec admiration installer ses ruches et récolter le miel à la cime des arbres. Les abeilles se faisant de plus en plus rares, Yakup est obligé de partir travailler plus loin dans la forêt. Mais il tarde à revenir, et le monde se retrouve soudain plein de son absence.


« Miel reprend certaines expériences de mon enfance : mes difficultés à l'école pour apprendre à lire et à écrire, les questions auxquelles les adultes ne répondaient pas, l'intense cruauté et l'intense richesse de la nature... D'une certaine manière, la curiosité avec laquelle les enfants découvrent le monde forge leur personnalité, ils atteignent la vérité grâce à leur naïveté, leurs rêves, joies et chagrins. J'espère que Miel nous permet d'atteindre la vérité de Yusuf."



Un enchantement poétique autour d’un enfant qui vit avec sa famille dans une forêt. Son père, apiculteur, piège les ours dans les forêts profondes du Caucase. Chaque matin, le petit Yussuf part à l’école, escorté par un faucon que son père lâche pour lui ouvrir le chemin. Et le soir, ils se chuchotent des secrets à l’oreille, loin de la mère qui comprend mal son enfant, taciturne et mystérieux, enveloppé dans les sortilèges de la nature et les songes de son âge. Un film qui suggère que les rêves doivent être murmurés plutôt que dits et surtout qu’on ne doit les répéter à personne.


Des plans d’une somptueuse beauté, une oeuvre méditative, de contemplation de la nature et des visages qui rappelle que l’homme occupe une place bien particulière dans l’univers. Une oeuvre stupéfiante aussi par la présence de cet enfant de sept ans (Bora Altas) dont le jeu ajoute au merveilleux cinématographique : sa façon d’occuper l’espace, son regard muet sur le monde qui l’entoure, les relations d’admiration avec son père, son apprentissage de la lecture à l’école, sa solitude profonde et l’interrogation dans ses yeux quand, un jour, son père, parti dans une autre forêt, ne réapparait plus. L’enfance sur grand écran donne toujours l’impression que l’on redécouvre l’innocence du cinéma, comme au premier matin de son invention.
Jean-Claude RASPIENGEAS

Dossier de Presse :







*********************************





RENCONTRES FILMS FEMMES MEDITERRANEE
JEUDI 7 OCTOBRE, 20h00
La séance sera précédée d’un buffet, offert dans le hall du cinéma.

Face à une offre cinématographique sans cesse appauvrie par les modèles dominants, les Rencontres Films Femmes Méditerranée de Marseille proposent, depuis 2006, une manifestation spécialement dédiée au cinéma des Méditerranéennes. Sont présentés des films inédits ou en avant-première, en provenance de l’arc latin, des Balkans, du Maghreb et du Proche-Orient, souvent en présence de leurs réalisatrices, et accompagnés d’un temps de rencontre et de convivialité. Depuis deux ans, les Rencontres FFM proposent, après leur rituelle semaine à Marseille, des séances hors les murs. Elles font escale à MARTIGUES pour la première fois cette année.


PARURES POUR DAMES
Un documentaire de Nathalie Joyeux (2010)




Au Petit Palais, en saris ou en jeans, décolletées ou voilées, douze femmes participent à « l’atelier de la désobéissance » proposé par la créatrice de mode Sakina M’sa. Inspirées par les peintures du musée et incitées par la styliste à se rebeller contre « le convenu », ces femmes sans emploi transforment de vieux habits donnés par Emmaüs. Un pantalon et une chemise deviennent une robe, une jupe connaît une nouvelle vie en veste... Pendant que les fils se tissent, les langues se délient. Tout en travaillant, Malika, Sara, Adriana, et leurs camarades se racontent à travers leurs vêtements. Au fur et à mesure, que leurs robes prennent forme, les femmes se dévoilent.

Séance en présence de
NATHALIE JOYEUX réalisatrice du film.



Nathalie Joyeux a programmé une salle art & essai en Seine Saint-Denis pendant 20 ans. Depuis 1993, elle réalise régulièrement des documentaires dont La résidence (2001) et Le foyer des hommes discrets (2002)



SAKINA M'SA Née dans un bourg des Comores en 1972, Sakina M'sa demeure longtemps rebelle aux traditions figées de sa terre natale. Elle arrive à Marseille à l'âge de sept ans et suit des études de stylisme à l'Institut supérieur de mode. Après une période d'apprentissage auprès de la costumière Geneviève Sevin-Doering, la jeune Sakina M'sa décide de s'orienter vers la recherche d'un « vêtement-signe », qui se « donnerait autant à penser qu'à voir » Avec une vision philosophique du vêtement et une démarche très personnelle, elle monte des « défilés-performances » et obtient, à l'âge de 24 ans, la bourse Défi du ministère de la Jeunesse. Elle finit par s'installer à Bagnolet, où elle donne des cours. Ses collections sont marquées par « le droit à la différence », et elle présente entre autres ses vêtements aux Galeries Lafayette et à l'espace LVMH. La ligne de Sakina M'sa est sobre, élégante, structurée et pointue.




*************************************


IRLANDE :

AUTOPSIE D’UN CONFLIT

Un Partenariat :

Médiathèque Louis Aragon/Cinéma Jean Renoir

Vendredi 15 Octobre

18h00 - MEDIATHEQUE LOUIS ARAGON - Espace Rencontres

Rencontre avec Sorj Chalandon (grand reporter au journal Libération et depuis 2009, journaliste au Canard enchaîné. Auteur de quatre romans dont Mon Traître, qui présente trente ans d'histoire de l'empire britannique, à travers l'IRA), Animée par Pascal Jourdana (journaliste littéraire)



19h30- CINEMA JEAN RENOIR

Buffet irlandais et temps de signature organisé par l’Alinéa (Participation de 3 euros)

21h00 « Hunger » de Steve McQueen.

Caméra d’Or à Cannes en 2008.


La projection sera suivie d’un débat animé par SORJ CHALANDON et

ANTOINE THIRION

(critique de cinéma, au Cahiers du Cinéma et différentes publications sur l’art ou le cinéma. Fondateur du site internet « Independencia »)


… Le film de Steve McQueen n'est pas un document sur l'Irlande du Nord. La question irlandaise n'est pas à l'écran, rejetée hors les murs de la prison. Si elle affleure parfois, c'est en éclats, dans le regard d'une femme au parloir, dans les mots murmurés d'une mère à son prisonnier de fils.

Comme les autres, nous sommes incarcérés. Coupés de l'Irlande et c'est un choix, privés des échos du dehors et c'est un rythme. Le temps qui s'écoule est un temps prisonnier, à la fois monotone et lent. Il sert d'espace réduit à Bobby Sands et à son agonie. Après l'échec du père Moran, qui tentera vainement d'amener le prisonnier à la reddition, c'est la vie qui renonce. Après la violence extrême, ce film nous entraîne dans une souffrance absolue. Des 66 jours de grève de la faim, rien ne nous est caché. Escarres, vomissures, lèvres déchirées, larmes silencieuses, regard mort.

« Hunger » est l'histoire d'un homme qui n'a plus que sa nudité pour arme. Ce n'est pas la chronique d'un suicide, mais l'autopsie d'un assassinat. Sorj Chalandon

… Suspendue à la question de savoir si la cause justifie qu’on meure pour elle, la très longue discussion centrale où Bobby Sands annonce au père Dominic Moran qu’il s’apprête à entamer une grève de la faim repose le problème autrement. Le ping-pong verbal filmé en un plan séquence de vingt minutes se joue de l’attention du spectateur.…

Admirable dosage de bavardage et de maïeutique serrée. Si la discussion ne semble mener nulle part, c’est qu’elle ne peut pas avoir d’issue ailleurs qu’en acte. Le moyen de la grève est en soi politique, elle n’a de fin qu’à sortir des questions de vie ou de mort où veut l’enfermer le pouvoir - cette vie nue, biologique et apolitique, qu’isole la souveraineté. Le sens de la grève de la faim où périront huit autres codétenus est là : une ferme opposition à la vie nue au risque d’une vie peu à peu dépouillée de signes d’humanité, choisissant la mort comme ultime affirmation renvoyant le souverain à sa criminalité. L’humanisme du film s’arrête devant cette condamnation indirecte mais violente de la raison d’état - celle de Thatcher, et de Bush, on le devine. Antoine Thirion

Cliquez sur la photo pour accéder à l'article complet :

Réservation : Médiathèque (Hall d’accueil) et Cinéma Renoir 04 42 44 32 21

ou le soir même au Cinéma.


**********************************

CINE – MONTAGNE

Mardi 19 Octobre 20h30

En partenariat avec

le Club Alpin Français de La Crau en Provence


caflacrauenprovence.com



HIMALAYA Le Chemin du ciel

Un documentaire de Marianne Chaud

Festival du Film d’Autrans : Prix du Public, Prix National Geographic

Festival du Film de Trento : Grand Prix

Festival du Film de femmes Dortmund: Prix du Public

Bienvenue sur une autre planète. Un paysage minéral et désolé, d'une beauté à couper le souffle. Une vallée perdue à 4000 mètres d'altitude, la plus élevée qui soit habitée dans l'himalaya.

La réalisatrice, Marianne Chaud, qui est également ethnologue, est restée pendant plusieurs mois dans la région du Zanskar, au coeur de la chaîne de montagnes himalayenne, et a filmé le quotidien d’un enfant moine dans le monastère de Phuktal.



Le jeune Kenrap - huit ans à peine - apprend ses leçons de philosophie avec un sérieux déconcertant et vit le plus naturellement du monde dans ce monastère perché à plus de 4000 mètres d’altitude. Il gravit un étroit chemin enneigé, en prenant garde à ne pas glisser dans le précipice, pour aller chercher l’eau. Ce n’est pas précisément une vie de confort - la température taquine régulièrement les moins dix degrés ! - mais c’est une vie tranquille, sans stress, accomplie. Ainsi, un moine plus âgé dit à la réalisatrice : vous pensez être plus heureux que nous, mais vous vous trompez. Et on veut bien le croire, car il ne s’agit ni de vantardise, ni de complexe de supériorité. Simplement, ces moines vivent à leur rythme, détachés du monde, mais pleins de compassion. Un documentaire pour trouver l’apaisement.



Bande Annonce:




Tarifs : 5 euros,

Adhérents, CAF, FFME, FFRP : 4 euros



****************************
*******************
*********
******
***
*